« Les intrus de la Maison Haute » de Thomas Hardy

29 Juin
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« Landscape Hardy… Wessex Tales 2 » © Janis Zroback

L’intrigue

Les intrus de la Maison Haute regroupe deux nouvelles, ou plutôt deux « contes » d’une contrée fictive propre à l’univers de Thomas Hardy à l’image de son Dorset natal et héritier du célèbre royaume médiéval anglo-saxon, le Wessex. Plongé dans un lieu atemporel dominé par le monde paysan des campagnes et des landes, on y retrouve des gens simples , des laitières et des fermiers dans une vie calme et routinière.

Calme ? Peut-être pas… Des histoires étranges se passent comme la mauvaise aventure que va vivre Gertrude Lodge, la charmante jeune mariée d’un riche fermier quand son bras gauche s’atrophie soudainement, altérant sa beauté par trop de souffrance. Serait-ce l’oeuvre d’une malédiction ? Son ancienne rivale serait-elle impliquée ? (« Le bras atrophié »)

Quant à l’avenir tout tracé qu’imaginait Charles Darton sur le chemin de la Maison Haute où habite Sally pour lui demander sa main, il est contrecarré par des retrouvailles inattendues après le retour d’Australie du frère prodigue de Sally, marié et père de famille… (« Les intrus de la Maison Haute »)

Thomas hardy

Thomas Hardy

Thomas Hardy a toujours été un auteur qui m’attire sans que je me l’explique (sûrement pour Tess d’Urberville) et je ne sais pas pourquoi non plus je commence tout juste à le lire. J’aurais aimé commencé par Les Forestiers pendant le mois anglais mais, faute de temps, j’ai choisi la facilité avec ces deux nouvelles parmi les Wessex Tales. Autant dire que ça ne représente pas le même plaisir de lecture qu’un roman quoique j’aime beaucoup le genre de la nouvelle (le pratiquant moi-même) mais c’est difficile d’écrire une bonne nouvelle et de procurer un plaisir comparable à celui d’un roman en si peu de place.

Autant dire que si mon ressenti est mitigé (et il l’est en partie, malheureusement), ce n’est peut-être pas la faute de Thomas Hardy mais surtout la mienne pour l’avoir découvert avec ces deux « contes » au lieu d’un bon vieux roman et en partie de mon édition qui (simple supposition) ne propose pas à mon avis les meilleures nouvelles de l’oeuvre d’Hardy. Un peu comme Trois enquêtes du Père Brown de G.K Chesterton, je suis restée un peu sur ma faim, sentant du potentiel dans le talent de narration d’Hardy mais frustrée de n’avoir pas en main le must-have de ses nouvelles…

Wessex-Hardy

Je suis d’autant plus frustrée que son obsession pour un Wessex purement fictionnel inspiré de ses souvenirs du Dorset dans le but de faire de sa région natale un lieu mythique et légendaire, nourri de traditions ancestrales et d’un folklore qui lui est propre est très prometteur et s’annonçait très riche pour l’imagination. Je suis passionnée par la notion de mythe et il faut dire que le Royaume-Uni n’a pas beaucoup de grands mythes fondateurs (à part les légendes arthuriennes) et c’est après tout d’après ce constat que Tolkien a entre autres choses écrit Le Seigneur des Anneaux (mis à part son amour des langues qui l’a conduit à inventer de toute pièce la langue elfique pour le fun). Ainsi, l’insistance sur l’aspect mythique du Wessex avait dans mon esprit cette même manière de pallier au manque de mythes fondateurs de l’Angleterre. Face à un projet aussi ambitieux, forcément, le format de la nouvelle est d’emblée délicat mais, sauf erreur de lecture, ni « Le bras atrophié », ni « Les intrus de la Maison Haute » n’offre un tel tableau du Wessex, du moins à la hauteur de mes attentes.

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« Hardy… Sunset in Egdon Heath »
© Janis Zroback

Il y a des petites touches par-ci par-là qui ont commencé à développer l’aspect mythique du Wessex comme ce passage dans « Le bras atrophié » où la lande d’Egdon est décrite durant la marche à pied de l’héroïne pour trouver un guérisseur-magicien qui pourrait guérir son bras (le meilleur moment de la nouvelle selon moi) et où il y a une allusion à certain Barde :

« Le vent hurlait lugubrement sur les pentes de la lande – cette même lande, très probablement, qui avait été témoin de l’agonie d’Ina, roi du Wessex, présenté à la postérité sous le nom de Lear. »

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Casterbridge, un des lieux des Wessex Tales et du Mayor of Casterbridge

Difficile de parler de deux nouvelles aussi courtes sans trop en révéler et éviter si possible de vous gâcher la chute mais s’il fallait que je choisisse laquelle de ces deux nouvelles mérite la plus d’être lue, je pense que la première « Le bras atrophié » rapporterait mes suffrages (ce qui est un peu bête puisque l’édition met l’accent sur « Les intrus de la Maison Haute » dans son titre, anyway). Contrairement à cette dernière qui est peut-être plus prosaïque, « Le bras atrophié » est presque une nouvelle fantastique qui joue sur les superstitions et le folklore des habitants de ce Wessex imaginaire. Malédictions, rêves à la limite du mysticisme, guérisons par des solutions plus que louches, tout y est pour intriguer et renforcer ce tableau légendaire et étrange du Wessex et ses drôles de mœurs.

Sycamore_rootsQuant aux « Intrus de la Maison Haute », disons qu’à mon sens, ça ne va pas plus loin qu’une histoire matrimoniale avec quelques rebondissements très romanesques qui peut plaire mais qui ne marque pas l’esprit plus que ça. Je dois dire toutefois que la Maison Haute, la demeure en question dans le titre, celle de Sally et de sa mère, est assez étrange et elle est peut-être la meilleure invention de son auteur dans cette nouvelle assez plate, pas du tout rachetée par sa chute. La Maison Haute est drôlement agencée, isolée, perchée en hauteur et située devant un sycomore dont les racines forment un escalier commode pour accéder à l’entrée de la maison en quittant la route. Ca a quelque chose de glauque et poétique à la fois. Je ne connais pas très bien toutes ses autres nouvelles mais j’ai l’impression que Thomas Hardy a un certain goût pour les histoires sombres, les lieux à la limite gothiques et les ambiances qui font un peu frisonner. Si parmi vous, il y a de meilleurs connaisseurs de son oeuvre que moi, je serais curieuse de savoir si ça se confirme ou non.

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En bref, Les intrus de la Maison Haute n’est peut-être pas l’oeuvre avec laquelle j’aurais voulu découvrir Thomas Hardy mais malgré une légère déception, il me tarde de mieux le connaitre, de fouiller son goût pour les ambiances étranges et de confirmer la confiance que j’ai en ses talents de narration. Je compte bien commencer avec Les Forestiers dans sa très belle édition « Libretto » qui était ma première idée de lecture après tout. Stay tuned !

 

 

Retrouvez d’autres avis plus enthousiastes du talent de nouvelliste de Thomas Hardy par exemple chez Lou sur le recueil Métamorphoses (éd. de l’Arbre).

 

Où se procurer Les intrus de la Maison Haute

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Les intrus de la Maison Haute précédé d’un autre conte du Wessex de Thomas Hardy

Folio – 113 pages

EUR 1, 90

 

 

 

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C’est ma huitième contribution au mois anglais organisé par Lou et Titine.

12 Réponses to “« Les intrus de la Maison Haute » de Thomas Hardy”

  1. Jamestine 29 juin 2013 à 12:24 #

    Celui-là m’attend sagement dans ma bibli, tu m’as donné envie de le sortir du coup :p Je peux te dire que Tess et Jude L’obscur te plairont sûrement plus ! ( Même si j’étais très mitigé pour Jude ).

    • Alexandra Bourdin 29 juin 2013 à 12:30 #

      Je suis même certaine que Tess sera un coup de coeur ! Je lutte pour ne pas voir l’adaptation avant de l’avoir lu. Je me souviens de ton billet très enthousiaste. 🙂

      L’avantage de celui-ci, c’est qu’il est court et pas cher. ^^

  2. Karine:) 29 juin 2013 à 4:31 #

    J’ai Tess… quelque part… 🙂

  3. Anis 29 juin 2013 à 4:38 #

    J’ai lu moi aussi Tess que j’ai trouvé magnifique et également Jude l’obscur.

    • Alexandra Bourdin 30 juin 2013 à 7:52 #

      C’est d’une autre volée que ses nouvelles « Tess » et « Jude l’Obscur » mais je suis sûre que je vais me réconcilier avec ses nouvelles très vite. 🙂

  4. cleanthe 29 juin 2013 à 4:43 #

    J’ai trouvé que « Les Forestiers » était un très grand roman. Je ne connais pas encore les nouvelles, mais Lou en effet en dit le plus grand bien.

    • Alexandra Bourdin 30 juin 2013 à 7:53 #

      J’aurais mieux fait de lire « Métamorphoses » comme Lou. Mais je sens aussi que « Les Forestiers » est très bon surtout en lisant les billets de la LC.

  5. titine75 30 juin 2013 à 6:21 #

    Je n’ai encore jamais lu les nouvelles de Thomas Hardy, je n’ai lu que des romans et je ne peux que chaleureusement t’encourager à les découvrir.

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