« The Gipsy Gentleman » (nouvelle néo-victorienne)

5 Juil
london past

London at Night, 1934. @Jim Morrisson & @Harold Burkedin

Ce billet ne sera pas comme les autres. Si je parle de beaucoup d’auteurs que j’aime, ce n’est pas par pur amour de la lecture. Lecture & écriture vont souvent de pair chez les amoureux des mots (surtout les plus jeunes d’entre nous) et je suis définitivement atteinte par ces deux passions.Toutefois, autant la lecture que l’écriture ne sont pas des goûts solitaires (c’est d’ailleurs la raison d’être de La Bouteille à la Mer) et j’ai la chance d’avoir une amie avec qui je peux parler de littérature et d’écriture (même surtout à des heures indues), cela va de soi avec elle. Je vous avais déjà parlé de son premier roman Clothilde & Adhémar et Adeline et moi, nous nous sommes amusées à nous lancer un défi d’écriture  mutuel au lieu de nous faire des commandes comme j’en ai l’habitude par exemple avec « L’hymen maudit », une réécriture du conte de La Belle et la Bête avec en guest-star le cruellement beau Guy de Gisborne

Cette fois-ci, notre défi commun est parti d’une citation publiée par Adeline (of course) sur mon mur Facebook, très approprié pour un ami commun :

« I love you still, that’s the torment of it. Who will take care of me, my love, my dark angel, when you are gone? »

Anne Rice, Interview with the vampire

Inspirant, n’est-ce pas ? Au lieu de choisir qui de nous deux écrirait à ce sujet, on a décidé d’un mutuel accord de prendre pour base cette citation comme un exergue et d’écrire chacune de notre coté un court texte : nouvelle ou poème. Je vous invite de lire la nouvelle d’Adeline, intitulée « Enluminures » et, par la même occasion, de fureter sur son joli blog par exemple en lisant son essai sur Loki ou le 1e épisode de ses pérégrinations universitaires autour du peintre pré-préraphaélite Arthur Hughes.

J’ai opté pour ma part sur une variation de l’une de mes passions, l’ère victorienne, et dans la ligne de romans néo-victoriens comme Les Contes de la Rose pourpre de Michel Faber qui est un peu mon modèle du genre actuellement pour l’extrême réalisme de sa reconstruction historique. C’est ainsi qu’est né la nouvelle « The Gipsy Gentleman », très inspirée du monde des Bohémiens et de la culture gitane. C’est un thème qui m’a toujours passionnée sans qu’il prenne une place dans mes écrits, c’est chose faite. C’est d’autant plus représentatif de l’ère victorienne que la représentation du bohémien a énormément évolué à cette époque. Je n’ai qu’à invoquer la scène dans Jane Eyre où Edward Rochester se joue de ses invités à Thornfield Hall en se déguisant en bohémienne pour percer à jour ces personnes, surtout Blanche Ingram et Jane elle-même. La figure du bohémien, c’est aussi celui du paria, du vagabond et du rejet social devant une culture nomade dans un monde où la propriété privée est le droit le plus sacré.

L’influence d’Adeline se fait aussi sentir dans ce texte, rien que dans le fond sonore qui m’a inspiré pour écrire, chose que je ne fais jamais. Sachez que cette nouvelle sera parcourue de plusieurs titres du groupe de rock garage danois The Raveoenettes qu’elle m’a fait découvrir mais aussi de la voix d’Alex Turner des Artic Monkeys. Je n’ai qu’a souhaiter une bonne fortune au « Gipsy Gentleman » et je n’aurais pas à me faire tirer les cartes pour ça.

THE GIPSY GENTLEMAN

Par Alexandra BOURDIN.

« I love you still, that’s the torment of it. Who will take care of me, 

my love, my dark angel, when you are gone? »

Anne Rice, Interview with the vampire

***

« A man is to me a higher and a completer being

than a gentleman. »

Elizabeth GASKELL, North & South

La sensation des pavés de Londres sous ses pas était déjà une libération en soi. Entendre la cadence pressée de ses bottines sur un sol dur, irrégulier et crevassé après le passage de tant d’hommes et de femmes libres de leurs mouvements, lui donnait l’impression de toucher, enfin, la substance de la réalité et de pouvoir y être engloutie ou transfigurée. Laissez derrière soi, à jamais, les graviers inhospitaliers de la cour de la demeure familiale était un geste étrangement symbolique à cette heure si tardive : elle en avait fini avec sa vie bruyante et mondaine, guérie de justesse de la nausée de la dissimulation suivant le tangage inquiétant d’un navire en complète perdition. Drapée des ombres de la nuit, elle était enfin anonyme parmi les anonymes et n’être personne rendait la vie pleine de possibilités insoupçonnées, comme devenir une autre, à loisir.

Elle lui devait absolument tout, comme savoir charmer les ombres pour qu’une fois apprivoisées, elles serpentent autour d’eux et les dissimulent aux regards importuns. Profiter de la faveur de la nuit n’était pas un crime et encore moins celui de se donner toute entière à la passion, à cet oiseau de passage dévorant et annonciateur d’espoir infini. Mais elle avait cessé d’espérer et de penser, l’introspection était devenue déplacée : agir, seulement agir, vivre enfin et ne jamais revenir…

(c) Dover Collections; Supplied by The Public Catalogue Foundation

William Anderson, London Bridge and St Paul’s by Moonlight (Dover Collections)

Elle ne s’attendait pas à le retrouver si vite par avoir passé le lourd portail et les grilles de sa prison dorée. Il avait été prévu de se rejoindre à l’heure prévue , pas avant, devant St Paul malgré l’incongruité de ce point de rendez-vous compte tenu de leurs projets mais, visiblement ses plans avaient changé. Qu’est-ce qui n’allait pas ? Elle n’était pas dupe de ses sentiments, elle savait quoi s’attendre avec lui, il ne répondait qu’aux appels du moment, impulsif comme personne. Il déambulait dans le monde, les ailes déployées prêt à s’envoler d’un seul coup, en branle perpétuel comme en équilibre précaire au bord d’un abîme, attiré par la sensation du vide.

Appuyé avec désinvolture contre les grilles du lieu qu’on lui avait appris tel un automate à appeler « son chez-soi », à deux doigts de bafouer les saintes lois de la propriété, il semblait indifférent au monde. Il n’avait pas encore remarqué son arrivée mais les apparences étaient souvent trompeuses avec lui. Il sentait tout, voyait chaque geste à peine esquissé, comprenait chaque regard éloquent. Chaque silence est un puits sans fond de significations pour lui.

L’homme en noir se fondait dans les ténèbres de la nuit, refusant d’être touché, presque souillé, par le faisceau superflu des réverbères. Qui avait besoin de lumière artificielle pour trouver son chemin et déambuler dans les villes ? Pourtant, ne pouvant plus ignorer plus longtemps l’approche de la jeune femme, repérant sa présence presque instinctivement d’un vif mouvement de tête, il s’était trahi : la pâleur de son visage s’était accentué au seul contact de la lumière, comme s’il n’avait pas vu les lueurs du jour depuis des mois. Était-ce son destin, de vivre entre deux mondes, comme un personnage piégé dans un tableau clair-obscur ? Quel modèle sublime cet homme aurait été pour un Caravage ! Son amour à elle du dessin, cet art minimaliste par excellence, s’était accentué depuis leur rencontre et combien de fois n’avait-elle pas esquissé ses traits sur le papier, à son insu non par sentimentalisme comme un trésor secret mais parce qu’il ne supportait pas son reflet, comme cette créature légendaire qui couvrait de lourds draps tous les miroirs de son château pour ne pas voir sa monstruosité !

– Milady…, rompit-il le silence en parfait gentleman, baise-main de rigueur, en allant à la toute dernière minute à sa rencontre.

– Vous êtes incorrigible de m’offrir ce titre que je hais tant !, retirant sa main de porcelaine. Et vous le savez mieux que quiconque… Qu’est-ce qui vous amène d’aller à ma rencontre ? Nous avions prévu…

– J’ai changé d’avis, ce qui m’arrive si peu, n’est-ce pas ?, l’interrompit-il, allant aux devant de son inquiétude manifeste. Les rues sombres  favorisent de mauvaises rencontres, je ne me pardonnerai pas que quiconque vous fasse du mal. Je le traquerai jusqu’au septième cercle de l’Enfer s’il fallait en arriver-là pour vous retrouver.

– Je ne suis plus une enfant ! Je suis femme et je sais parfaitement me défendre, sans l’aide d’aucun homme. Et après tout, nos amis bohémiens m’ont appris l’art et la manière, poignard au poing !

– Regarde plutôt, lui confia t-il en lui prenant tendrement les mains, comme un geste familier. Elles sont si minuscules, pas encore souillées par le sang que l’eau la plus pure ne peut nettoyer. J’aime l’enfant et la femme en toi, c’est ce qui te rend si précieuse à mes yeux…

           Cette fois, serrés étroitement l’un contre l’autre, il l’embrassa doucement, du bout des lèvres, comme la coupe d’un breuvage raffiné. Il la fit rire, d’un rire d’enfant, en murmurant un mot inaudible à l’oreille.

– Excuses acceptées, lui murmura t-elle en réponse à leur intimité retrouvée. Emmène-moi loin d’ici.

– Tu as raison. Là où il est, que direz ton pauvre père s’il te voyait embrasser un sombre inconnu en pleine rue ?, lui lança t-il d’un sourire entendu.

– Il est trop enivré ce soir pour s’en inquiéter. S’il pouvait boire de l’argent liquide comme il trinque avec du champagne aux affaires de la City pour seul prix de vendre sa fille au diable, il le ferait sans la moindre hésitation.

           Elle saisit une lueur étrange dans les yeux de son amant, comme si de vieux démons l’assaillaient par surprise à la seule invocation du diable. Encore un instant et cette lueur l’avait quitté aussi soudainement qu’elle l’avait troublé. Il semblait difficilement revenir à la réalité mais il héla tout de même un fiacre pour les emmener à la destination prévue depuis des semaines, des mois, depuis leur première rencontre sans se l’avouer encore…

*** ***

           Andrea n’avait jamais eu aussi honte de vivre en bohémien parmi les Bohémiens, non par le sang et la tradition mais par choix et par vengeance. Aucun lien sacré, comme celui de la famille, ne l’incitait à vivre cette existence de bohème ; aucun Bohémien ne connaîtrait jamais les affres de la solitude, l’errance solitaire guidé par nul horizon, nulle destination. Depuis la présence continuelle de ses démons intérieurs, polymorphes et invincibles, il n’avait connu que la solitude où bien était-ce la solitude qui avait marqué leur arrivée ? Andrea nageait dans l’incertitude de qui il était et, pourtant, depuis qu’il avait été accueilli par les Bohémiens et qu’il avait enfin dépassé le stade de se méfier d’eux à cause de leur extrême propension à la pitié, il y avait trouvé un semblant non pas de famille (cela lui était comme interdit, la solitude était son épousée) mais d’amitié et de joie. Seul, sa présence était sans cesse remarquée dans les villes de passage qui ne pouvait y voir qu’une apparition étrange à l’approche de ce cavalier vêtu de noir et toujours taciturne. En bohémien, ou plutôt en gentleman-bohémien du sobriquet par lequel les inconnus aimaient l’appeler, il était anonyme parmi les anonymes, un paria et un vagabond mais, à partir de ce jour, plus jamais il n’avait été seul.

           Mais aujourd’hui, il aurait tant voulu arrêter de jouer ce jeu dangereux : le Gipsy gentleman, ici à Londres, dans la bibliothèque de cet homme de la City, aux affaires plus que douteuses. Il devenait une vulgaire attraction parmi les monstres de foire, plus pathétiques les uns que les autres. Sa difformité n’était pas physique, elle devenait morale et c’était ces gentlemen et ces lady, s’abaissant à se divertir de la souffrance par pur sadisme, qui étaient pathétiques et monstrueux. Sa vie de bohème n’était qu’une couverture pour une cause plus grande, une ombre portée destinée à faire diversion comme un prestidigitateur devant l’étonnement idiot d’enfants déjà trop grands pour cela. Il haïssait viscéralement toute forme de dissimulation, ce goût du spectacle qui n’était pas seulement le propre des Bohémiens mais qui touchait par ricochet comme une épidémie chaque cœur avide d’émotions fortes. Quelle absurdité de voir ces Bohémiens, si purs de cœur, être méprisés, rejetés, raillés par leurs propres cousins qui reniaient délibérément leur héritage mais qui, pour des yeux non dupés, se trahissaient à chaque instant.

           La dissimulation lui faisait horreur et pourtant, Andrea réalisait qu’il s’était trahi lui-même à force de jouer ce rôle. Sa confiance, il ne la donnait à personne même pas à ses compagnons de voyage et pourtant il avait été piégé par la seule personne qu’il croyait digne d’être écouté : lui-même. Avait-il perdu l’esprit ? Il se croyait différent, à la sincérité sans égale, jamais dupe des convenances, impulsif même. L’impertinent, l’anticonformiste. N’était-il qu’un leurre pour lui-même et les autres ? Il ne pouvait plus être ce Gypsy gentleman que les Londoniens venait applaudir sur cette scène de fortune. Ce n’était pas les Bohémiens qu’ils venaient voir chanter, danser, se faire tirer les cartes pour favoriser la bonne aventure, c’était lui qu’ils venaient voir, le gentleman déchu. Il se montrait comme nu devant eux, il n’était qu’un homme sans le costume et l’apparat du gentleman. Bas les masques.

           Pourtant, dans cette bibliothèque, si proche de son but premier alors que son ennemi était assis dans l’autre pièce, indifférent au sort qu’il lui réservait, il ne pouvait plus être l’homme qu’il avait été depuis tant d’années, tapi dans la peau d’un autre. Il devait se réinventer, retrouver le coffre scellé où il avait placé sa vraie personnalité, l’ouvrir et, comme Pandore, affronter les conséquences d’un tel acte quitte à détruire le monde qu’il avait construit.

           C’est elle qui avait fracturé le monde en carton patte qu’il avait mis tant de temps à installer, comme un décor qui s’effondrerait sur le comédien qui le rendait vivant. Il avait placé ses pions, protégé ses arrières, soudoyé des hommes de confiance et, désormais, le venin de la vengeance qui coulait dans ses veines avait trouvé son antidote. Elle ne lui avait pas encore parlé, pas même regardé, elle n’avait fait qu’être elle-même, seulement exister et sa seule présence rendait son monde incroyablement plus grand, comme s’il étouffait dans un monde d’illusions et qu’elle avait été la lueur du dehors perçant à travers la seule faille de la caverne. Andrea ne connaissait même pas son prénom, il devait le découvrir avant qu’elle ne reprenne son statut d’hôtesse pour ces bons à rien et qu’elle n’oublie le passage d’une troupe de Bohémiens dans sa maison pour divertir les invités distingués de son père. Avant qu’elle ne l’oublie, lui. Après l’incident dans la grande salle où la petite Carmen avait brisé par accident ce chérubin en verre noir de Murano qu’elle n’avait pu s’empêcher de regarder de plus près, de trop près, cette jeune lady avait osé faire l’irréparable : affronter son père devant ses plus proches collaborateurs et défendre l’enfant, indignée de voir son propre père ne serait-ce que tenter de frapper un être sans défense, même de sang bohémien. Elle avait osé révéler à qui voulait l’entendre sa vraie nature : ce geste n’était pas digne du gentleman qu’il était, qu’il prétendait être. Pour atténuer la portée de son insoumission, elle avait pris l’initiative de réfugier la troupe au complet dans un lieu neutre, loin de l’animation de la soirée. Le spectacle était terminé, la vie normale pouvait commencer.

library

           Après avoir échangé un dernier mot (peu cordial) avec son aimable père, elle ferma la porte et invita chacun d’entre nous à prendre ses aises comme si nous étions vraiment ses invités et non une partie du décor.

– Je tenais à m’excuser personnellement pour la conduite grossière de chaque personne présente ce soir, votre hôte y compris, déclara t-elle naturellement en s’adressant en personne à chacun de nous d’un seul regard.

– Pourquoi s’excuser ?, lui répondit Andrea, peut-être un peu plus sèchement qu’il l’aurait voulu pour un premier contact. Vous êtes la dernière à blâmer, vous n’avez pas à faire semblant de jouer les hôtesses polies et éduquées…

Un ange passa et la gène générale allongeait douloureusement les secondes. Ses yeux gris me jaugeaient, non comme une attraction vu mes habits étudiés pour un vrai bohémien, mais simplement pour me cerner en tant que personne. Visiblement, Il avait aiguisé sa curiosité, cette première impression suffirait-elle ?

– Si je vous ai offensé, ce n’était pas par malice, commença t-elle posément. Je vois que vous êtes un amoureux des mots… Je vous ai fait attendre dans la bibliothèque trop longtemps après que la soirée ait pris une tournure aussi peu honorable. Vous avez eu raison de parcourir les étagères. Quel a été votre choix ?

           Elle était donc observatrice. Son père se serait offusqué de voir une seule de ses possessions entre les mains d’un Bohémien. Tous des voleurs, c’est bien connu. Mais cette lady était différente des autres femmes de sa condition. Elle avait profité de l’intimité implicite que créait la lecture d’un livre entre deux êtres pour rendre cette entrevue moins conventionnelle. Ce n’était pas l’hôtesse qui parlait, c’était la jeune femme qui hantait cette pièce à loisir. En parcourant la pièce des yeux, sa présence était partout : dans les tableaux, dans le drapé des rideaux et, détail non négligeable, dans cette harpe placée astucieusement près de la fenêtre, coté jardins. Cette pièce était toute à elle, c’était elle.

– Étonnant de voir un Bohémien sachant lire, n’est-ce-pas ?, répondit-il sur la défensive, sans pouvoir se maîtriser. Le trouble était trop grand pour pouvoir tenir une conversation normale, elle ne pouvait pas être aussi naturelle sans cacher quelque chose. C’était impossible.

– Vous êtes les premiers Bohémiens que je rencontre, je ne peux juger Monsieur…., dit-elle sans détours, recherchant à mettre un nom à une telle impertinence.

– Andrea, milady, répondit-il, après une seconde d’hésitation.
Et vous, c’est quoi votre prénom ?, demanda de but en blanc, pleine de candeur, la jeune Carmen.

– Rosalie, ma douce. Rosalie Ravenwood, répondit-elle en se mettant à la hauteur de l’enfant, non sans jeter à Andrea un rapide regard au passage, comme pour sonder sa réaction depuis que les civilités d’usage étaient enfin échangées.

           La porte s’ouvrit en trompe, révélant la stature autoritaire du père. Il n’avait pas besoin de dire quoique ce soit, les bruits dans l’autre pièce et dans les escaliers annonçaient le départ des invités officiels, les autres parasites devaient faire de-même.

– La soirée est terminée, visiblement, lança t-elle à la cantonade après s’être brusquement retournée à l’entrée de son père. Je vous accompagne jusqu’à la sortie. Suivez…

– Jane va s’en charger. Vous sortirez par l’entrée des domestiques, dit-il sévèrement, sans s’adresser à quiconque en particulier.

– J’insiste, précisa Rosalie, en prenant déjà la main de Carmen qui semblait déjà l’avoir adoptée. Sa voix ferme était celle de quelqu’un prête à affronter le courroux de son père en privé mais pas d’agir injustement, non conformément à ses propres principes, devant des inconnus.

           Son père sortit, excédé. Andrea allait reposer l’ouvrage sur son rayonnage quand Rosalie remarqua son geste :

– Gardez-le. Vous me le rapporterez quand vous l’aurez lu, voulez-vous ?, me demanda t-elle pour la première fois en me souriant légèrement.

– Je… J’y prendrais soin, dit-il, manifestement troublé.

           Sur le trottoir extérieur en franchissant les grilles, Andrea ne put s’empêcher de regarder la silhouette de Rosalie rentrée chez elle, visiblement déjà en pleine conversation houleuse avec son père. De là, avec ces grilles devant son champ de vision, elle semblait captive. Il affermit la prise de sa main droite sur le livre de Rosalie, à défaut de pouvoir un jour la serrer elle contre son cœur. Serait-elle à lui ? En était-il digne ? Jamais mais elle le sauverait, aussi vrai que la nuit succède au jour, la neige au printemps. Son cœur était noir, ce soir, mais demain… que lui réservait demain ?

THE END

15 Réponses to “« The Gipsy Gentleman » (nouvelle néo-victorienne)”

  1. Aunbrey 6 juillet 2013 à 2:54 #

    Je n’ai plus l’habitude de lire des textes originaux. Ça fait plusieurs années maintenant que je suis plongée dans le monde des fanfictions (je lis et commente seulement, je crois bien n’avoir pas de talent pour l’écriture et ça me désole beaucoup plus que je ne saurais l’admettre mais soit), alors j’ai parfois un peu de mal à me replonger dans un univers original. Ce dernier est pourtant beaucoup plus intéressant d’un point de vue créatif et imaginatif. Là où la fanfiction reprend un univers déjà existant, le texte original crée tout de toutes pièces -le décor, les personnages, leur caractère, l’histoire, le déroulement-. Et lorsque l’on parle de création, cela signifie que l’auteur doit faire deux fois plus d’effort pour imposer son univers mais que le lecteur doit, lui aussi, être plus concentré et plus alerte afin de saisir toutes les nuances du-dit univers.

    Tout ce charabia pour dire ton cadre victorien est relativement bien retranscrit. C’est toujours compliqué d’écrire sur une autre époque que la sienne car elle sera toujours et forcément moins bien maîtrisée et toutes les subtilités de l’épisode ne peuvent être présentes dans les romans lus et qui ont servi d’inspiration.
    Le côté victorien de l’histoire se ressent énormément dans les dialogues mais également toute la partie de la nouvelle qui concerne « la maison ». Le moment où Rosaline défend la petite Carmen, où elle doit tenir ses obligations d’hôte, etc… Je crois que c’est, d’ailleurs, la partie que j’ai préférée de la nouvelle. J’ai adoré l’atmosphère de la pièce lorsque Rosaline les rejoint tous et que Andrea ne peut s’empêcher d’être suspicieux, voire désagréable avec elle. Il y règne une sorte de méfiance associée à de la curiosité. C’est un peu comme si le temps s’arrêtait à partir de l’instant où elle entre dans la pièce et que l’horloge ne se remettait à faire « tic-tac » que quand le père ouvre brusquement la porte et les chasse de chez lui. Une sorte de monde en suspension, j’ai envie de dire. Ils s’apprivoisent, se découvrent et au milieu de tout ça, il y a la candeur de Carmen qui vient briser la glace, j’aime beaucoup !

    Le personnage d’Andrea me semble tellement mystérieux ! Déjà, parce que j’ai tendance à associer le prénom Andrea avec une personne de sexe féminin ; ensuite, parce qu’il semble inatteignable tout en étant très proche, à portée de main. Il a ce petit quelque chose en lui qui le rend différent et fascinant. Il ne semble à sa place nul part. Il détonne dans le monde des gentlemen mais d’un autre côté, il n’est pas non plus entièrement à sa place chez les gypsies. J’ai trouvé qu’on ressentait une sorte de malaise en sa présence, parce que justement, il est différent. Quand je parle de malaise, je ne le vois pas comme quelque chose de désagréable mais plutôt comme quelque chose qui intrigue et dont on aurait envie d’en savoir plus.
    De ce fait, je me demande ce qu’il s’est passé entre le temps de la rencontre dans la maison de Rosaline et le moment où elle fuit de chez elle pour le rejoindre. On se pose obligatoirement la question, surtout après qu’on ait vu/lu la manière avec laquelle il lui parle. Comment en sont-ils arrivés à ce « stade » ?
    J’ai, par extension, beaucoup aimé la construction de la nouvelle avec le flashback de la rencontre. J’adore ce genre de ‘truc’. Qu’on nous présente la base de la relation entre deux personnes, comment ils se sont connus en l’occurrence. De plus, ici, il y a une réelle évolution, ce qui rend le tout encore plus intrigant.

    Bref’, c’était une nouvelle bien sympathique à lire ! J’espère que tu en écriras d’autres 🙂

    • Alexandra Bourdin 6 juillet 2013 à 9:32 #

      Ça fait plaisir de lire une réaction aussi bien développée et intelligente. J’ai été jusqu’à très récemment moi aussi une lectrice de fanfictions, j’en ai écrit quelques unes (sur Harry Potter) mais c’est vrai que ça demande des contraintes de fidélité à un univers et aux caractères des personnages initiaux mais aussi une connivence avec le lecteur que d’autres écrits n’ont pas.

      J’espère que j’ai été assez fidèle avec l’ère victorienne, c’est un univers qui me passionne depuis toute petite Mais forcément, le degré de reconstitution augmente quand on écrit un roman qu’une nouvelle, c’est plus facile à mettre en oeuvre. Cette nouvelle est le début d’une plus grande histoire que j’ai commencé à écrire et que j’aimerais à terme publier, sous forme de roman-nouvelles où chaque chapitre vaudrait pour lui-même mais aurait un lien avec l’ensemble. une mini-comédie humain victorienne en somme. 🙂

      Rosalie (pas Rosaline mais c’est une façon de comparer inconsciemment ma nouvelle à « Roméo & Juliette », c’est flatteur !), en effet, est la plus victorienne du lot, comme tu le dis si bien, Andrea est entre deux mondes, il n’a de vraie place dans aucun lieu. C’est une façonde représenter le marginal par excellence, c’est-à-dire celui qui pense, vit, aime par soi-même en se fichant des convenances. C’est vrai qu’il est diablement mystérieux, heureuse que ce coté-là soit bien rendu !

      Pour le blanc entre la fuite et le flash-back, chacun a sa version des faits selon sa sensibilité. J’ai laissé un indice à la fin qui laisse entendre un rapprochement possible au-delà de cette méfiance-curiosité mutuelle. Je pense le développer autre part mais pas pour le coté sentimental de la chose, plutôt sur le thème d’une confiance retrouvée pour Andrea qui va révéler ses intentions pas très catholiques avant que cette rencontre ne change ses plans.

      j’ai beaucoup de textes en réserve, des nouvelles (une sur l’adultère « La valse maîtresse », l’autre sur Venise qui est extrêmement liée à « The Gipsy Gentleman »), peut-être que je les publierai ici. Si ce n’est pas le cas, je peux t’envoyer quelques échantillons par mail par exemple si ça t’intéresse. Mais je continuerai à publier mes propres écrits ici oui, c’est un bel endroit pour le faire, après tout ! 😀

      • Aunbrey 7 juillet 2013 à 10:04 #

        Va savoir pourquoi j’ai persévéré avec le prénom Rosaline alors que c’est bien Rosalie Ravenwood. Le pire, c’est que j’ai lu « Roméo et Juliette » il n’y a même pas deux semaines, je crois que je suis restée traumatisée par le côté volage de Roméo, qui jure un amour éternel à Rosaline et qui la page suivante veut mourir pour Juliette. Bref’.

        J’aime énormément l’idée de roman-nouvelles, vraiment. C’est une idée très intéressante quand on y pense. Ça met peut-être moins de pression. Parce que vouloir écrire un roman, c’est bien mais il faut tenir la longueur alors que si tu fais le tout sous forme de nouvelles, cette notion de longueur est complètement différente et te laisse probablement beaucoup plus de liberté quand à la chronologie et le déroulement de l’histoire.
        C’est un peu bête à dire mais je trouve cette idée merveilleuse, limite j’ai eu une révélation en lisant ça, ahah xD.

        En tout cas, je serai très heureuse de lire la suite quand tu la posteras. Et si tu as besoin d’un avis « extérieur » sur ce que tu écris, je suis toujours partante pour ce genre de chose 🙂

      • Alexandra Bourdin 8 juillet 2013 à 7:57 #

        Ravie que mon idée de romans-nouvelles te plaise ! Je suis frappée par l’extrême artificialité du roman (surtout ces derniers temps), vouloir absolument mettre un d&but et une fin, un point final à une histoire et surtout à vouloir par tous les moyens à conserver une intrigue linéaire alors dans la réalité, tout est entremêlé, à force de rencontres, de souvenirs, d’échos. Je ne pense pas non plus que ça soit révolutionnaire non plus mais je pense qu’en ce moment, le roman et la littérature contemporaine ont tellement besoin d’être renouvelées pour éviter une lecture trop banalisée mais intelligente, non pas passive mais active, que ça serait ma façon de voir la littérature si je venais à être publiée. Mais bon, comme tous les projets, le moment de la réalisation est parfois plus dur qu’on ne le pense.

        Peut-être que je publierais bientôt après quelques billets littéraires et culturels mon début de nouvelle sur Venise qui s’appelle « L’art du scandale » puisqu’elle est énormément liée à TGG. Mais, elle commence à s’élargir et à ne plus ressembler à une nouvelle donc j’essaierais de la couper comme un feuilleton par exemple pour la publier sur mon blog. Peut-être aussi mes poèmes, qui sait ?

        Merci de ta fidélité et de l’intelligence de nos échanges, ça fait très plaisir. 😀

  2. Alacris 10 juillet 2013 à 12:01 #

    Juste un petit message pour te dire que je ne t’ai pas oubliée =) j’ai lu le début de ton article, que j’ai trouvé très intéressant (j’aime beaucoup ce que tu dis sur la figure du gitan / paria d’ailleurs… et la scène de Rochester en gipsy à Thornfield Hall, une pépite !), et je me suis arrêtée là où ta nouvelle commence, parce que j’ai vu en scrollant qu’elle avait tout de même une belle taille, et je n’ai pas envie de la lire à la va-vite ^^. Je reviendrai pour la lire et te dire ce que j’en pense, ^_^ bises !

    • Alexandra Bourdin 10 juillet 2013 à 9:44 #

      Oh, tu es libre d’aller et venir quand tu veux sur mon blog, ça me fait toujours plaisir de t’y retrouver. 😀

      C’est vrai que le thème du bohémien vu comme un paria est passionnant non seulement quand on aime le XIXe comme moi mais pour sa résonance dans l’actualité et dans notre société toujours très réactionnaire sur le nomadisme. On peut ne pas s’empêcher de penser à la communauté rom ou tout simplement aux gens du voyage où très peu de mairies (pour diverses raisons) leur réserve un lieu de stationnement adapté d’où parfois l’anarchie de certains campements mais ça n’a rien d’tonnant si aucun dispositif n’est prévu. Ma nouvelle est à des années lumières de ce genre de critique politique mais si on a ça en tête pour l’ère victorienne que j’ai essayé de rapidement reconstruire, il y a forcément des échos avec notre époque.

      Ce thème a quelque chose à voir avec mes origines espagnoles, j’ai toujours entendu depuis mon enfance des histoires de gitans, ça doit faire parie de la culture espagnole, j’imagine. Et étant une fan des nouvelles de Mérimée, ça ne peut qu’avoir des résonances chez moi. Sans parler de Rochester et de cette scène splendide qui m’avait toujours marquée. Je juge d’ailleurs la qualité d’une adaptation de « Jane Eyre »sur la présence ou non de cette scène , même légèrement modifiée. La dernière avec Fassbender a perdu, celle de 2006 que j’ai chroniqué longuement a a gagné haut la main !

      Hâte d’avoir ton avis sur la nouvelle en tant que telle. 🙂

      • Alacris 11 juillet 2013 à 7:49 #

        Bon alors, me revoilà ! J’ai enfin lu ta nouvelle.

        J’ai bien aimé. Le cadre est vraiment bien, l’introduction est très réussie avec la déambulation sur les pavés de Londres jusqu’à St Paul ; on se représente bien le Londres du Victorian Age, sombre, sale et chic à la fois, humide, foggy, mystérieux… l’endroit parfait pour des affaires de Bohémiens ou des personnages mystérieux comme Andrea, dont le caractère est à l’image de la ville : un clair-obscur constant, la lumière étouffée d’un lampadaire sale au milieu des ténèbres, une petite lueur tamisée qui danse, floue, dans le mystère ambiant.

        Avec la fille au début, j’ai beaucoup aimé toutes les figures d’engloutissement dans la nuit, c’était très beau. Tu retranscris très bien ce manteau d’ombres dans lequel elle se glisse et se perd avec délices, ravie de disparaître au regard des autres, fugitive professionnelle, avec un arrière-goût d’escroquerie et de malice qui plane dans l’air. De même, j’ai vraiment apprécié la manière dont on s’approche peu à peu d’Andrea, qui est plus fictionnel que réel et qui ne semble pas appartenir à ce monde, qui est dans l’entre deux, comme un personnage ou un tableau clair-obscur ; ces images-là me plaisent énormément, j’aime ces personnages qui ne vivent jamais que sur un seuil, un fil, et qui échappent à tout entendement, car il est impossible de les saisir. Il y a de l’excellent boulot au niveau character development et building, qui me rend très curieuse quant à ce que tu pourrais réaliser dans un roman. Le côté « monstre de foire » aussi était vraiment très, très sympa (après, le grotesque et l’hybride sont mes dadas… mais bon, je persiste à croire qu’universellement parlant, le grotesque est la forme la plus aboutie du sublime !).

        Toute cette approche mystérieuse du personnage est malheureusement, je trouve, un peu cassée par le premier dialogue, où il y a à la fois des mots consacrés d’époque du genre « milady » et des tournures beaucoup plus XXIe siècle, ainsi que des tournures soutenues que tu as dû mettre pour produire un effet de réel mais qui produisent un peu un effet de distanciation à la place parfois, voire un peu parodique… je lis très peu de fictions écrites de nos jours qui se passent dans les siècles précédents donc je ne sais pas si c’est le style qui s’y adopte généralement, mais parfois ça m’a semblé un peu trop soutenu. Je trouve aussi que tu pourrais faire planer plus de mystère sur ce premier dialogue, car les deux personnages étaient jusque-là vraiment très intrigants et ils le deviennent à nouveau par la suite, mais le dialogue produit un effet presque « trivial » sur le mystère qui les enveloppe. Je pense que tu peux garder les informations indispensables au lecteur (la fuite, etc.), tout en continuant de faire baigner les personnages dans le mystère, quitte à introduire un peu de narration entre les répliques ou à carrément incorporer les répliques dans la narration, sans tirets mais avec des guillemets.

        Au niveau de l’écriture en elle-même, tu as de toute évidence un style bien à toi, qui de plus est agréable au lecteur, et c’est le principal. Un peu de lourdeur parfois, certaines phrases gagneraient à être entrecoupées par des virgules (afin de mimer un lecteur qui lirait le texte à voix haute, personnellement je n’ai lu ton texte que dans ma tête xD, mais y’a quand même des moments où la voix dans ma tête s’essouffle, je sais qu’on dirait que j’ai fumé des pétales de jonquilles quand je dis ça mais je suis très sérieuse XD), et d’autres phrases gagneraient même peut-être à être coupées en deux… au risque de faire le sacrifice d’un aspect sinueux et tortueux qui participe au côté mystérieux et labyrinthesque de ta nouvelle, mais parfois on est vraiment obligé de relire plusieurs fois la même phrase pour comprendre qui est le sujet de quoi et quel complément va avec qui, donc c’est dommage.

        J’ai noté quelques fautes de frappe :
        « Laissez derrière soi »
        « rompit-il le silence »
        « que direz ton pauvre père »

        Et deux-trois endroits où j’ai trébuché :

        « Il est trop enivré »
        « Enivré » fait très soutenu en fait, et très poétique… quand on imagine parler les gens des siècles précédents on a tendance à se les figurer en train de parler dans la langue de Racine ou de Victor Hugo mais chaque époque à sa vulgarité et ses mots à la mode, donc pour se moquer de quelqu’un qui est totalement soûl, « enivré » m’a semblé presque élogieux.

        « aucun Bohémien ne connaîtrait jamais les affres de la solitude, l’errance solitaire guidé par nul horizon, nulle destination »
        A la lecture de cette phrase, on dirait que « guidé » se raccorde à « aucun Bohémien », qui est assez loin dans la phrase, et il n’y a pas de virgule entre « errance solitaire » et « guidé »… du coup je le vois mieux se rattacher à « errance solitaire », si tu veux le rattacher à « Bohémien » je pense que tu devrais ajouter une virgule.

        « Et vous, c’est quoi votre prénom ?, demanda de but en blanc, pleine de candeur, la jeune Carmen »
        J’imagine que tu as voulu traduire la candeur du personnage par une grammaire enfantine, mais pour un personnage noble du XIXe ça me semble beaucoup trop populaire… à voir !

        Je me sens un peu honteuse de te faire tant de remarques u_u mais je pense que ça pourrait t’aider à corriger quelques trucs, et il y a un très, très bon potentiel dans ta nouvelle et dans ton style d’écriture en général (même plus qu’un potentiel), donc je tiens à souligner encore une fois que cette lecture m’a plu =)

        En espérant que mon avis te sera utile ^__^ bisous !!

      • Alexandra Bourdin 11 juillet 2013 à 11:41 #

        Les critiques sont beaucoup plus « utiles » que les compliments (même si ça fait toujours plaisir d’en recevoir ^^) donc tu as eu tout-à-fait raison de montrer du doigt quelques faiblesses. Et, vu ton expérience de la littérature, je fais confiance à tes conseils. ^^

        Je suis heureuse que le début de la nouvelle t’ait plu, j’avoue que j’ai pris beaucoup de plaisir à mettre ne place cette ambiance et à construire une image très mystérieuse des deux personnages. (Andrea étant mon chouchou xD)
        Je n’avais pas envisagé leur dialogue sous le mode trivail, peut-être que ça donne cette impression à cause du travail esthétique que j’ai voulu produire dans la narration. Peut-être que je suis très mauvaise en dialogues, aussi xD Mais, ce que je sais, c’est que j’ai voulu briser la glace tout de suite, donner à voir l’intimité d’un couple anticonformiste presque dans une « bulle », échappant à l’espace-temps. C’est comme ça que je me raccroche aux branches en liant l’aspect trivial que tu notes et l’intimité que j’ai voulu représenter. Après tout, même au XIXe, un couple ne se comporte pas de la même manière en société et en privé. Je suis partie d’un point d vue très extérieur, embrumé, obscur pour accentuer le mystère à un point de vue très interne, intimiste justement pour souligner le décalage entre la sphère publique et privée

        C’est très difficile d’éviter les anachronismes, d’oublier sa propre époque et sa façon de penser, de parler et j’imagine que j’ai encore des progrès à faire. Je cite Michel Faber dans mon billet, c’est vraiment mon modèle, je trouve qu’il a trouvé le ton juste. Et pourtant, il insiste bien d’emblée sur sa propre position, totalement extérieure au XIXe. Il faudrait que tu lises le début de « La Rose pourpre et le Lys » pour mieux comprendre mais c’est comme si on commençait par surplomber un Londres victorien et que petit à petit on descendait en altitude jusqu’à toucher le sol. Et là, le narrateur du XXIe se fait oublier pour mieux réapparaître par touches le long de l’intrigue. Ca permet de vraiment bien s’immerger dans une époque loin d’être la même que la nôtre. C’est pour ça que je pense que tout texte qui se veut néo-victorien doit trouver un équilibre entre les deux. On ne peut pas écrire comme un auteur du XIXe mais aps non plus exclusivement comme un auteur contemporain.

        J’ai noté les fautes de frappe et les tournes « bizarres ». J’ai tendance à mettre en avant beaucoup d’images, ce qui alourdit parfois mon style. Je devrais beaucoup plus lire à haute voix mes phrases, c’est vrai, mais après tout, l’oral et l’écrit sont deux régimes si déifférents qu’on ne peut pas vraiment les comparer. J’aime bien ton image du labyrinthe sinueux, c’est un beau compliment même si on risque parfois de s’y perdre. J’aime aussi la simplicité, hein , mais quelque part, cette histoire demandait un peu de mise en scène, d’où les quelques lourdeurs que je te concède.

        Merci d’avoir pris le temps de commenter ma nouvelle longuement ! 😀

      • Alacris 14 juillet 2013 à 7:33 #

        C’est re-moi !

        Pour le dialogue : OK, je vois ce que tu veux dire pour ce qui est de montrer l’intimité des deux personnages et leur côté contre la norme. Je viens de relire leur dialogue et ça me frappe beaucoup moins, en fait, donc ce devait être une impression à chaud de première lecture. Pour l’équilibre entre langage contemporain et langage d’époque, je suis d’accord : c’est inutile d’essayer de singer le style des auteurs d’époque, au mieux on peut réussir à en pasticher un si on s’abreuve de son écriture au point de réfléchir avec ses mots, mais ça restera toujours son style. En tout cas je pense que tu es sur la bonne voie pour trouver cet équilibre =)

        Je suis curieuse de voir à quoi ressemblerait ton écriture dans une histoire plus « simple » du coup, pour voir jusqu’à quel point tes phrases s’allègent…

        Et de rien n_n je n’aime pas faire les choses à moitié, et puis ça demande tellement de courage de mettre en ligne un texte qu’on a écrit, offert au jugement de tous, que ce serait presque lâche de la part du lecteur qui tombe dessus de ne pas dire ce qu’il en a pensé. J’espère que tu pourras faire le tri dans mes réflexions pour trouver celles qui sont productives ^_^

      • Alexandra Bourdin 14 juillet 2013 à 8:29 #

        Je ne sais pas si mon style change énormément dans mes autres textes mais je pense que j’ai particulièrement forcé le trait de l’esthétisme ici surement parce que la citation de base est déjà très imagée et j’ai voulu en extraire le plus possible en terme de symbolisme, etc.

        Je peux t’envoyer par ton compte FB deux nouvelles ou quelques poèmes significatifs pour que tu puisses juger l’évolution de mon style dans des intrigues plus simples. Il y a une de mes 1e nouvelles « sérieuses » « La valse maîtresse » que j’avais écrite pour un concours. La seconde nouvelle est en cours d’écriture et, plus ça avance, je pense qu’une fois terminée, elle va se rapprocher d’un roman-nouvelles (où sera inclus « The Gipsy Gentleman »), « L’art du scandale » qui se passe à Venise et qui disons entre autres choses explore la vie mondaine et libertine d’Edward Rochester avec la présence de Guy de Gisborne, un personnage qui me fascine issu de l’univers de la série BBC « Robin Hood ». C’est une sorte de cross-over situé au XIXe que j’ai écrite ‘just for fun » et qui, en fait, pourrait devenir bien plus que ça. ^^ (en changeant quelques noms de personnage)

        A toi de voir si ça t’intéresse. 😀

      • Alacris 14 juillet 2013 à 11:48 #

        Ca m’intéresse 🙂 on se redit ça dans quelque temps une fois que je serai rentrée de vacances et que j’aurai du wifi, je pars demain matin à l’aurore et il est grand temps que j’aille me coucher, j’arrive à peine à garder les yeux ouverts u_u

        Bises, et bonnes vacances ! ^__^

      • Alexandra Bourdin 14 juillet 2013 à 11:52 #

        Fais-moi signe à ton retour, je t’envoie tout ça. Bonne vacances et repose-toi bien ! 😀

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