« Any Human Heart » (2010) d’après William Boyd

29 Juin

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« Every human being is a collection of selves. We change all the time. We never stay one person as we go on our journey to the grave. »

« We keep a journal to entrap the collection of selves that forms us, the individual human being. »

Any Human Heart (2010), une série de Michael Samuels d’après le roman éponyme et le scénario de William Boyd.

Avec Jim Broadbent, Matthew MacFadyen, Sam Caflin, Hayley Atwell, Ed Stoppard, Kim Cattrall et Julian Ovenden.

 

 

Synopsis

« Never say you know the last word about any human heart ». Ce sont les mots d’Henry James, mais qu’en est-il du coeur de Logan Mountstuart à trois tournants de sa vie, motivé par sa vocation d’écrivain, sa recherche du bonheur et sa quête de lui-même ? La vie n’est-elle qu’une question de chance – bonne chance, mauvaise chance – comme son père ne cessait de lui rappeler ou réserve t-elle quelque chose de plus ? On le connait au travers de ses rencontres, heureuses ou malheureuses, dans les années 20, entre Oxford et Paris en compagnie d’un certain Ernest Hemingway qui retrouvera comme journaliste pendant la guerre civile espagnole ; pendant la guerre aux Bahamas comme espion en enquêtant sur le duc et la duchesse de Windsor ; dans les années 50, comme directeur d’une galerie d’art à New York et enfin, dans les années 80, fuyant la crise et l’ère Thatcher pour se ressourcer dans le sud de la France, confronté à la mémoire des maquis et de la Résistance. Logan ne cesse de tenir un journal, reliant et préservant artificiellement les multiples facettes de son identité plurielle et les images de ceux et celles qui ont fait ce qu’il est. 

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Conor Nealon (Logan enfant)

Dans l’idée de retracer le voyage de Logan Mountstuart dans la vie, la première image d’Any Human Heart est entre le rêve et la réalité, comme une vision obsédante, saturée de lumière, à la limite de l’onirisme, accompagnée de la voix d’un narrateur âgé, celle de Logan (Jim Broadbent) qui essaye d’en déchiffrer le sens. La scène montre un petit garçon dans une barque en Uruguay (Logan est d’origine uruguayen par sa mère, sa « best half » selon lui) et observe et est observé par trois personnages sur la berge. On comprendra qu’il s’agit des trois avatars de Logan aux tournants de sa vie : le jeune homme, l’adulte et le vieil homme. Je trouve ce début et ce qui s’ensuit vraiment prometteur : par son étrangeté et son originalité, ça attire forcément notre attention. Ce n’est pas tout-à-fait un souvenir de Logan mais plutôt une représentation mentale de sa propre vie et de son identité. Qui est-il ? Les trois personnages à la fois, ensemble ou chaque Logan a t-il son identité propre, distincte des autres ? Restons-nous les mêmes en vieillissant ?

any-human-heart-memoriesDans cette perspective, cela va de soi que le narrateur (très discret de la série sans l’envahir outre mesure) soit le Logan vieillissant et en vérité, c’est à partir de ce point de vue que toute l’histoire de Logan est retracée en suivant les souvenirs du vieil homme qui fait du tri dans ses papiers, dans ses photos et qui relit ses carnets. D’ailleurs, pour continuer dans la veine énigmatique du début d’Any Human Heart, lui et le spectateur est littéralement assailli par ses souvenirs, comme des flashs, des phrases qui l’ont marqué sans que l’on comprenne exactement leur signification et qui ces personnes représentent dans la vie de Logan. C’est assez astucieux comme manière de faire et ce n’est que rétrospectivement au long des quatre épisodes qu’on n’en comprend le sens et le moment.

Sam Claflin (Logan jeune)

Sam Claflin (Logan jeune)

Après cette entrée en matière énigmatique, la vie de jeune-homme de Logan ne pouvait pas être plus concrète. Au Jesus College d’Oxford, lors de sa dernière année, une seule question l’obsède : la perte de sa virginité. Avec deux amis (que l’on va retrouver tout au long de la série), il fait le pari de qui la pedrera en premier, récompense sonnante et trébuchante à la clé et c’est par cette compétition que va commencer la vie mouvementée de Logan.

C’est avec la très belle et sensuelle Tess (Holliday Grainger) que les ennuis commencent. Je ne vous en dis pas plus mais la perte de la virginité de Logan va avoir quelques conséquences, comme le début de son goût pour le mensonge. Petit clin d’œil, Holliday Grainger est apparue dans la saison 3 de Robin Hood (« A Dangerous Deal ») aux cotés de Richard Armitage en jouant le personnage de Meg dont la romance a marqué plus d’un esprit, mais pas le mien malheureusement. Toutefois, c’est une bonne actrice et elle est semble t-il plus remarquée depuis son rôle de Lucrèce Borgia dans la série The Borgias que j’ai encore à voir, ce qui est une bonne chose.

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Land (Charity Wakefield) & Logan (Sam Claflin)

On le comprend assez vite, la vie sentimentale et sexuelle de Logan va être centrale dans ce parcours qui retrace sa vie et elle est à la fois une source d’inspiration et un obstacle pour sa vocation littéraire. Sa rencontre avec Land Fothergill (Charity Wakefield) est déterminante par qu’elle le pousse à se dépasser, à avoir confiance en lui et à être anti-conventionnel. Intelligente, provocante et engagée, elle lui conseille d’écrire un livre non pas banalement pour se faire connaitre mais un livre qui fait réfléchir et qui change le monde à l’image de ceux de Virginia Woolf qu’elle qualifie de « genious » (on est bien d’accord). J’ai adoré ce personnage même si elle est peut-être trop exigeante avec Logan et, même si on ne l’a voit que dans le 1e épisode, la figure de Land va suivre le héros toute sa vie, comme s’il avait à lui prouver qu’il était capable de faire cette oeuvre révolutionnaire.

Encore une chose passionnante sur le jeune Logan, il sait se trouver des amis en la personne d’Ernest Hemingway (Julian Ovenden, bientôt dans la saison 4 de Downton Abbey) qu’il rencontre à Paris pour la première fois en 1926, date de la publication The Sun Also Rises. Il y a une scène fantastique dans un café parisien (on se croirait dans Midnight in Paris) où Logan lui confie ses ambitions, son envie d’écrire autre chose qu’une simple biographie de Shelley et où Hemingway déclame un poème :

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Logan (Matthew MacFadyen)

Passons au Logan devenu adulte, père de famille et ennuyé à mourir de sa nouvelle vie tranquille et rangée, à des années lumières de ses aspirations profondes de grand écrivain depuis le succès de son 1e roman The Girl Factory (sur une prostituée). Ce Logan est joué par le talentueux Matthew MacFadyen qui m’a fait oublié à jamais depuis Ripper Street et Little Dorrit son rôle de Darcy et que j’admire particulièrement en ce moment. Coté écriture, Logan va être bridé n’écrivant plus une seul ligne après son deuxième roman, The Cosmopolitans (sur les poètes d’avant-garde français rencontrés à Paris), très mal reçu par la critique.

Pour se ressaisir et trouver une source d’inspiration pour son prochain roman, Logan trouve grâce à son agent littéraire une mission en Espagne en tant que journaliste là où il va rencontrer au Consulat, après s’être fait voler son passeport dans une église (comme quoi…), Freya, une journaliste de la BBC. Vous vous imaginez bien que leur relation ne va pas être platonique ce qui n’est pas étonnant avec un personnage joué par Hayley Atwell qui est peut-être l’une des plus belles actrices que je connaisse. Petite coïncidence, Any Human Heart fourmille d’acteurs vu la même année dans Les Piliers de la Terre que je vous conseille vivement : Matthew MacFadyen (Philip), Hayley Atwell (Aliena), Sam Caflin (Richard) et Skye Bennett (Martha).

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Le personnage de Freya est l’un de mes préférés dans cette série et Hayley Atwell a un beau rôle non seulement grâce à son jeu mais aussi grâce à sa place dans l’intrigue et dans la vie de Logan. Je ne peux rester que très vague pour préserver le suspens mais clairement, ce n’est pas qu’une simple aventure et elle va rendre d’autant plus plus crédible aux yeux de Logan la maxime de son père selon laquelle la vie n’est qu’une question de chance : bonne chance, mauvaise chance, rien de plus.

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Logan (Matthew MacFadyen) en espion de la Naval Intelligence

Si je devais donner ma préférence parmi les quatre épisodes d’Any Human Heart, je dirais que les deux premiers sont largement les meilleurs (Oxford, Hemingway, la Seconde Guerre mondiale, Mathew MacFadyen en espion pour la Naval Intelligence de la Royal Navy recruté par un certain Ian Fleming).

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Le duc et a duchesse de Windsor (Tom Hollander & Gillian Anderson)

Sans oublier qu’il y rencontre le duc et la duchesse de Windsor, Edward VIII (celui qui abdique dans The King’s Speech) et Wallis Simpson, qui ne sont pas vraiment à leur avantage das cette série malgré la très bonne interprétation de Tom Hollander et Gillian Anderson dans les rôles respectifs.

 

 

 

 

 

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Logan (Jim Broadbent & Matthew MacFadyen)

Le troisième épisode est toujours centrée sur Logan mais dix ans après la Seconde guerre mondiale à New York comme directeur d’une galerie d’art mais il est légèrement moins passionnant que les deux autres. Il faut dire qu’il est précédé d’un épisode hautement dramatique ce qui est toujours difficile pour une série ou un film de repartir ensuite. Logan (toujours sous les traits de MacFadyen) commence à prendre de l’âge et il est clairement malheureux et traumatisé par la guerre (vous découvrirez vous-même pourquoi) ce qui l’incite à faire une psychothérapie avec un psy très difficile à cerner et qui gribouille des dessins dans son dossier au lieu de l’analyser.

Le 3e épisode est aussi un tournant car on rencontre un nouveau Logan qui n’est autre que le narrateur du 1e épisode (Jim Broadbent, le père de Bridget Jones et Slughorn dans Harry Potter) ce qui permet de boucler la boucle et de comprendre pourquoi Logan trie ses papiers et ses journaux intimes au début de la série. Le 4e épisode voit les dernières années de Logan et c’est un moment assez triste par son extrême solitude quand il revient à Londres et finalement s’installe dans le sud de la France, fuyant la crise économique, les grèves, la montée de l’anarchisme juste avant l’élection de Margaret Thatcher.

En définitive, Any Human Heart est parmi ce que j’ai vu de meilleur avec une très bel esthétique, une musique discrète mais un thème récurrent assez intéressant, un casting impeccable (Matthew MacFadyen à la fin du 2e épisode est juste incroyablement bluffant) et je pense que c’est une série qui fait beaucoup réfléchir.

Je l’ai brièvement mentionné mais Any Human Heart est l’adaptation du roman éponyme de William Boyd (A Livre Ouvert dans sa version française) et ce dernier offre le scénario de cette série, ce qui explique surement sa qualité. Ça m’a donné envie de lire cet auteur : je compte feuilleté Any Human Heart et surtout lire La vie aux aguets que j’ai reçu aujourd’hui même.

 

Où se procurer Any Human Heart (2010) ?

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Any Human Heart

(A Livre Ouvert)

DVD – EUR 12, 40

(VO sous-titrée en anglais uniquement)

 

 

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Any Human H

eart de William Boyd

Penguin – 512 pages

EUR 9, 56

 

 

william-boyd-a-livre-ouvertA livre ouvert de William Boyd

Points – 608 pages

EUR 8, 27

 

 

 

Amis anglophiles, le mois anglais is coming !

 

9e contribution au mois anglais organisé par Lou et Titine

 

 

9 Réponses to “« Any Human Heart » (2010) d’après William Boyd”

  1. Alacris 1 juillet 2013 à 7:25 #

    Je vois que ta passion pour Mathew MacFadyen continue :p !
    Très beau billet, qui donne vachement envie de regarder en tout cas. Les images sont belles, les rôles ont l’air diversifiés et creusés en profondeur… bref, cela pourrait bien être mon coup de coeur de l’été ! (mais dis donc, tu m’enfonces de plus en plus dans l’abîme des séries, ce n’est pas bien…)

    • Alexandra Bourdin 1 juillet 2013 à 11:15 #

      Ya des périodes comme ça… xD Mais c’est un bon acteur et ce que je vois avec lui est de qualité donc c’est cool. 😛

      Je te conseille peut-être le roman avant, j’aurais adoré le lire avant. Il y a des tas de passages dans la série très bien écrits, j’imagine ce que ça peut donner dans le roman ! (c’est ma façon de t’enfoncer un peu moins dans l’abîme des séries pour mieux te perdre dans le labyrinthe des romans anglais contemporains ! :P)

  2. petit_speculoos 3 juillet 2013 à 7:48 #

    Merci pour cette découverte, ton avis m’a donné envie de la regarder 🙂

  3. Aunbrey 12 août 2013 à 11:33 #

    J’ai regardé cette mini-série à cause de toi ! Oui, je te tiens personnellement responsable de cette découverte et de ce coup de coeur ! C’est vrai que j’aurais aimé lire le livre d’abord en y pensant. Mais ça ne m’empêchera pas de me le procurer xD.

    Il y avait tous les ingrédients pour me plaire : Matthew MacFadyen (Oui, j’aime cet acteur plus que de raison) (Et oui, j’aime son rôle de Mr. Darcy !) (Et même son rôle d’Athos dans The Three Musketeers) (JE SAIS, c’est la honte ;_;) (Je suis un être humain bien faible face à cet acteur XD) + vie d’un écrivain + série britannique.
    J’ai trouvé l’histoire magnifique et touchante. Tragique sans déborder dans le pathétique. Mélancolique sans être pitoyable.

    Tiens, si tu as un peu de temps à perdre, mon avis est ici : http://www.senscritique.com/serie/Any_Human_Heart/critique/24911646

    Je n’avais pas fait le rapprochement mais maintenant que tu le dis, il y a en effet un certain nombre d’acteurs de The Pillars of the Earth. Je trouve ça amusant mais ça explique en partie pourquoi j’ai adoré cette série. J’avais adoré les acteurs de TPTE donc pas surprenant que j’ai eu un coup de coeur pour cette série-ci.

    • Alexandra Bourdin 12 août 2013 à 2:33 #

      Hé hé, heureuse que ça a été aussi pour toi un coup de coeur ! Matthew y est pour beaucoup, bien sûr, il faut dire qu’il y est excellent ! Je vais t’avouer un truc, je l’ai adoré en Athos, ce n’est pas le rôle de sa vie mais il est très sexy comme ça. xD Comme ça, on est deux fangirls, on se comprends. 🙂

      Je vais lire ta critique avec plaisir ! Bises. 😀

  4. Le Chat du Cheshire 20 août 2013 à 10:32 #

    Oh oh, mais je ne connais pas du tout dis donc… Merci pour cet article, je note l’idée 🙂 !!

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