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Poésie de Charlotte, Emily, Anne & Branwell Brontë

29 Sep
Emily Bronte (Isabelle Adjani), Charlotte Bronte (Marie-France Pisier) & Anne Bronte (Isabelle Huppert)

Emily  (Isabelle Adjani), Charlotte (Marie-France Pisier) et Anne Brontë (Isabelle Huppert) dans Les Sœurs Brontë

Branwell Brontë (Pascal Greggory)

Branwell Brontë (Pascal Greggory)

 

 

 

 

 

 

 

 

« Sweet Love of youth, forgive if I forget thee,

While the world’s tide is bearing me along:

Sterner desires and other hopes beset me,

Hopes which obscure, but cannot do thee wrong! »

 Emily Bronte, « Remembrance »

Charlotte Brontë

Charlotte Brontë

Pour cette nouvelle édition 2013-2014 de mon rendez-vous mensue« Un mois, un extrait » créé il y un an, j’ai eu envie de mettre en avant les premiers amours de ce blog, qui fête déjà sa première année d’activité régulière, tout ça à bon port et avec un équipage et des passagers tous plus fidèles les uns que les autres ! Et comme j’ai déjà beaucoup parlé  des talents narratifs de la famille Brontë, principalement grâce à Charlotte avec Jane Eyre & Le Professeur, j’ai eu envie de vous faire découvrir leurs œuvres plus méconnues, à savoir la poésie de la famille Brontë qui se sont tous les quatre essayés à cet art exigeant et sensible.

Mais avant toute chose…

Qu’est-ce qu’« Un mois, un extrait » ?

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C’est un rendez-vous mensuel que j’ai créé pour varier mes lectures et multiplier les moments de partage entre ceux qui me lisent et moi-même. Avant chaque premier du mois, il suffit de me contacter et de me faire parvenir vos idées soit par courriel (l’adresse de contact est disponible dans la rubrique « L’auteur », voir en haut de page), soit en me laissant un commentaire en bas de ce billet ou sur la page Facebook de « La Bouteille à la Mer ».
Vous pourrez écrire votre propre article en invité ou, faute de temps à y consacrer, écrire un petit topo pour expliquer votre lien avec l’extrait en question et je me charge de mettre en forme un article où vous (et/ou votre blog) seront cités. Aucune obligation de posséder un blog ou d’être un(e) grand(e) spécialiste en littérature. C’est surtout le partage qui compte qui que vous soyez et quelques soient vos goûts. Je suis toujours curieuse de découvrir de nouvelles choses, de nouveaux genres et c’est l’occasion !
« Dans les épisodes précédents », « Un mois, un extrait » a fait découvrir :
#1: L’Idiot de Fiodor DOSTOÏEVSKI
#4: « Éclaircie en hiver » in Pièces de Francis PONGE
#5: « Un plaisant » in Le Spleen de Paris de Charles BAUDELAIRE 
#6: Chardin et Rembrandt de Marcel PROUST 
#7: De profundis d’Oscar Wilde
#8: Look Back in Anger de John Osborne 
 
Vous pouvez retrouver l’intégralité des articles et leurs extraits dans la rubrique « Un mois, un extrait » en haut de page.
Si vous voulez participer avec moi à ce rendez-vous de partage ou si  vous avez un conseil de lecture particulier, contactez-moi à l’adresse bottleinasea[at]gmail.com ou à l’aide des commentaires ci-dessous.
Emily Brontë

Emily Brontë

Ma première approche de la poésie des Brontë a été celle d’Emily grâce au petit recueil bilingue Poèmes de la Nrf. Généralement considérée comme la meilleure poétesse de la famille pour sa sensibilité et la maturité de ses thèmes de prédilection. Si j’ai commencé ce billet justement par des vers de son poème « Remembrance » (découvert grâce à la vidéo ci-dessous) c’est que je partage cet avis et l’univers d’Emily très longtemps depuis ma lecture de Wuthering Heights, peut-être le roman qui résume le mieux les aspirations de l’adolescence pour la passion avant de s’assagir un peu ! (ou pas)

Mais si on se souvient plus facilement de la fraîcheur, du poids du désir et de la fascination des landes chez Emily, le poème qui suit montre une facette plus grave, à la recherche d’un repos apaisé pour faire taire sa conscience et ses interrogations. Qu’est-ce qu’une journée bien remplie peut nous apprendre, propice a priori au repos bien mérité ? Et pourtant, qui sème le vent récolte la tempête ! La conscience, la culpabilité ont beaucoup à dire et mentent tout autant ! Seule la mort peut pleinement nous apaiser ou, ici-bas, la tranquillité qu’offre l’heure de minuit suffit-elle tout simplement ?

SELF-INTERROGATION

Emily Brontë

“The evening passes fast away.
’Tis almost time to rest;
What thoughts has left the vanished day,
What feelings in thy breast?

“The vanished day? It leaves a sense
Of labour hardly done;
Of little gained with vast expense—
A sense of grief alone?

“Time stands before the door of Death,
Upbraiding bitterly
And Conscience, with exhaustless breath,
Pours black reproach on me:

“And though I’ve said that Conscience lies
And Time should Fate condemn;
Still, sad Repentance clouds my eyes,
And makes me yield to them!

“Then art thou glad to seek repose?
Art glad to leave the sea,
And anchor all thy weary woes
In calm Eternity?

“Nothing regrets to see thee go—
Not one voice sobs’ farewell;’
And where thy heart has suffered so,
Canst thou desire to dwell?”

“Alas! the countless links are strong
That bind us to our clay;
The loving spirit lingers long,
And would not pass away!

“And rest is sweet, when laurelled fame
Will crown the soldier’s crest;
But a brave heart, with a tarnished name,
Would rather fight than rest.

“Well, thou hast fought for many a year,
Hast fought thy whole life through,
Hast humbled Falsehood, trampled Fear;
What is there left to do?

“’Tis true, this arm has hotly striven,
Has dared what few would dare;
Much have I done, and freely given,
But little learnt to bear!

“Look on the grave where thou must sleep
Thy last, and strongest foe;
It is endurance not to weep,
If that repose seem woe.

“The long war closing in defeat—
Defeat serenely borne,—
Thy midnight rest may still be sweet,
And break in glorious morn!”

Charlotte Brontë

J’ai toujours pensé que Charlotte était la plus stoïcienne de la famille Brontë, à l’image de Jane Eyre, souffrant  parfois mais, avec son bon sens habituel, se ressaisissant toujours avec courage (« bear{ing] a cheerful spirit still ») après être passée par une phase nécessaire de passion intense ou de découragement. J’ai toujours apprécié  ça dans son écriture et chez ses personnages : le retour au bon sens sans forcément dénié que nous sommes des êtres qui souffrent, aiment et ressentent profondément l’absence de l’être aimé sans forcément, tel un Heathcliff péter une durite, exhumer le cadavre de Cathy, hanté par son absence-présence. Malgré un sujet assez sérieux et grave, Charlotte réussie à produire un poème extrêmement lumineux, plein d’espoir. Mes vers préférés restant :

« When we’re parted wide and far, 
We will think of one another, 
As even better than we are.

(…)

We can meet again, in thought. »

Et croyez-moi, écouter ce poème sur son mp3 (et particulièrement ces vers), en traversant un pont tout en observant les reflets du Rhône,  ça n’a pas de prix.

« PARTING »

Charlotte Brontë

THERE’S no use in weeping, 
Though we are condemned to part: 
There’s such a thing as keeping 
A remembrance in one’s heart: 

There’s such a thing as dwelling 
On the thought ourselves have nurs’d, 
And with scorn and courage telling 
The world to do its worst. 

We’ll not let its follies grieve us, 
We’ll just take them as they come; 
And then every day will leave us 
A merry laugh for home. 

When we’ve left each friend and brother, 
When we’re parted wide and far, 
We will think of one another, 
As even better than we are. 

Every glorious sight above us, 
Every pleasant sight beneath, 
We’ll connect with those that love us, 
Whom we truly love till death ! 

In the evening, when we’re sitting 
By the fire perchance alone, 
Then shall heart with warm heart meeting, 
Give responsive tone for tone. 

We can burst the bonds which chain us, 
Which cold human hands have wrought, 
And where none shall dare restrain us 
We can meet again, in thought. 

So there’s no use in weeping, 
Bear a cheerful spirit still; 
Never doubt that Fate is keeping 
Future good for present ill ! 

Anne Brontë

Anne Brontë

Anne est clairement la soeur Brontë que je connais le moins, n’ayant pour l’instant lu aucun de ses romans et ce n’est pas faute d’avoir Agnès Grey et The Tenant of Wildfell Hall dans ma PAL. J’espère profiter de 2013-2014 et du Challenge « Les Soeurs Brontë » chez Missycornish pour remédier à cette lacune. Pour compenser, en achetant le volume 1 du CD The Brontes : The Poems en juin dernier, j’ai pu écouter un certain nombre des poèmes d’Anne, au même titre que ceux des trois autres Brontë. Dans mon imaginaire, Anne est pour moi la plus « sage » de ses soeurs, peut-être aussi la plus pieuse, persuadée qu’un roman doit être avant-tout le medium d’une leçon morale. Très terre-à-terre et réaliste, Anne est la gouvernante par excellence, celle qui enseigne sans pouvoir se laisser porter par ses rêves. Et pourtant, l’espace du poème, du moins celui que j’ai choisi, semble plus aérien : on est emporté par la fraîcheur des souvenirs, l’enfance, la pureté et pourtant, ce n’est qu’un état de grâce puisque la souffrance (« grief (although, perchance, their stay be brief) ») perturbe ce moment parfait ce qui n’est pas étonnant puisque les sœurs Brontë ont connu très jeune le deuil, autant de leur mère que de leurs sœurs aînées emportées par la tuberculose. Toutefois, tout comme Charlotte, ces souvenirs heureux et lumineux permettent tout de même d’être rappelés à la vie pour mieux avancer au jour le jour en cas de détresse présente…

MEMORY

Anne Brontë

BRIGHTLY the sun of summer shone
Green fields and waving woods upon,

And soft winds wandered by;
Above, a sky of purest blue,
Around, bright flowers of loveliest hue,
Allured the gazer’s eye.

But what were all these charms to me,
When one sweet breath of memory
Came gently wafting by?
I closed my eyes against the day,
And called my willing soul away,
From earth, and air, and sky;

That I might simply fancy there
One little flower–a primrose fair,
Just opening into sight;
As in the days of infancy,
An opening primrose seemed to me
A source of strange delight.

Sweet Memory! ever smile on me;
Nature’s chief beauties spring from thee;
Oh, still thy tribute bring
Still make the golden crocus shine
Among the flowers the most divine,
The glory of the spring.

Still in the wallflower’s fragrance dwell;
And hover round the slight bluebell,
My childhood’s darling flower.
Smile on the little daisy still,
The buttercup’s bright goblet fill
With all thy former power.

For ever hang thy dreamy spell
Round mountain star and heather bell,
And do not pass away
From sparkling frost, or wreathed snow,
And whisper when the wild winds blow,
Or rippling waters play.

Is childhood, then, so all divine?
Or Memory, is the glory thine,
That haloes thus the past?
Not ALL divine; its pangs of grief
(Although, perchance, their stay be brief)
Are bitter while they last.

Nor is the glory all thine own,
For on our earliest joys alone
That holy light is cast.
With such a ray, no spell of thine
Can make our later pleasures shine,
Though long ago they passed.

branwell (1)

Patrick Branwell Brontë

Quand on aime les écrits des soeurs Brontë, Branwell est presque une légende. Cet Heathcliff, ce Rochester des mauvais jours est aussi un homme à part entière, assez méconnu et pourtant génial : écrivain né depuis le monde imaginaire de Glass Town et d’Angria créé par les enfants Brontë, portraitiste et précepteur. On a tout(e)s en tête le portrait des sœurs Brontë peint par Branwell où il s’est délibérément effacé pour ne pas surchargé le tableau. Cette disparition de la figure du frère est presque symbolique, tellement  il est à la fois toujours dans l’ombre de ses sœurs et omniprésent dans leur oeuvre.  Il faut dire qu’on connait surtout Branwell par le romanesque et la vie mouvementée et brisée qu’il a connu : alcoolique, dépendant au laudanum, atteint de delirium tremens et finalement tuberculeux, Branwell est surtout  un vrai  personnage byronien, amoureux éconduit qui  va se détruire faute de pouvoir avoir pour lui seul celle qu’il aime. (Heathcliff, sors de ce corps.) Qui était-elle ? Mrs Lydia Robinson, née Gisborne, la maîtresse de maison chez qui il a été précepteur. Tout porte à croire que Lydia serait devenue sa maîtresse, et que oh ! surprise, son mari l’aurait découvert, le chassant de céans, non sans une compensation financière donnée en secret par Mrs Robinson avec l’aide d’un domestique.  Branwell aurait espéré qu’une fois l’époux passé de vie à trépas, Lydia aurait pu devenir sa femme légitime mais, pas bête le bougre, Mr Robinson aurait stipulé dans son testament que sa femme n’hériterait de rien si elle n’osait ne serait-ce que penser à finir ses vieux jours au  coté de Patrick Branwell Brontë, son amant. Mort des amants. THE END.

De cette liaison est née le poème qui suit, avec un titre évocateur puisqu’il reprend le nom de jeune fille de Lydia (très évocateur pour les spectatrices de Robin Hood) comme une façon de rendre cette femme toujours libre alors même qu’il la présente presque captive dans sa propre maison et dans son mariage. Il faut savoir qu’elle était littéralement « libre » puisqu’elle aurait eu plusieurs amants (Branwell n’étant ni son premier, ni son dernier). Lydia Robinson est visiblement une figure assez ambiguë mais Branwell en garde forcément un souvenir idéalisé, cristallisé alors qu’elle ne va pas hésiter après  la mort de son mari à se remarier très avantageusement avec un certain Lord Scott (pas lui,  un autre), tout juste veuf de deux mois pour devenir une parfaite mondaine londonienne…. Toutefois, Branwell n’est pas non plus dupe et une certaine amertume traverse la fin du poème, où ses espoirs sont noyés dans la rivière Ouse comme un siècle plus tard ceux de Virginia Woolf…

LYDIA GISBORNE

Patrick Branwell Brontë

On Ouse’s grassy banks – last Whitsuntide,
I sat, with fears and pleasures, in my soul
Commingled, as ‘it roamed without control,’
O’er present hours and through a future wide
Where love, me thought, should keep, my heart beside
Her, whose own prison home I looked upon:
But, as I looked, descended summer’s sun,
And did not its descent my hopes deride?
The sky though blue was soon to change to grey –
I, on that day, next year must own no smile –
And as those waves, to Humber far away,
Were gliding – so, though that hour might beguile
My Hopes, they too, to woe’s far deeper sea,
Rolled past the shores of Joy’s now dim and distant isle. 

J’espère que ce nouveau rendez-vous d’« Un mois, un extrait » après quelques temps d’absence et un peu plus fourni que d’habitude vous aura plu et que ça vous incitera à lire ou écouter la poésie et les romans les moins connus de la famille Brontë.  N’hésitez pas à me suggérer des extraits pour les prochains numéros!

Où écouter les poèmes de la famille Brontë ? 

A part le dernier poème de Branwell, ceux cités (et bien d’autres !) sont facilement écoutables dans le volume 1 et le volume 2 d’un livre-audio regroupant les poèmes des Brontë.

Brontës – The Poems (vol. 1 & 2). Lus par Anna Bentinck, David Shaw-Parker, Eve Karpf & Jo Wyatt. EUR 7, 99 chacun, téléchargeables en mp3 sur Amazon.

Mais si vous aimez lire surtout de la poésie en recueil (quoi que les deux sont tout-à-fait compatibles !), vous pouvez découvrir les Brontë en piochant dans :

Cahiers de poèmes – Emily Brontë

– Cahiers de poèmes d’Emily Brontë (Points) – EUR 6, 84 (qui vient de rejoindre gentillement mon panier Amazon)

– Le monde du dessous : Poèmes et proses de Gondal et d’Angria de Charlotte Brontë, Anne Brontë, Emily Brontë et Branwell Patrick Brontë (J’ai lu) – EUR 7, 41 (Idem)

Poems of Currer, Ellis & Acton Bell – (Format Kindle, gratuit)

 

 

 

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Troisième participation au Challenge ‘Les Soeurs Brontë » chez Missycornish

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Première participation au Challenge XIXe siècle chez Netherfield Park

Happy Birthday King Richard Armitage !

22 Août
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Richard Armitage

Petit excursus de pur fangirling aujourd’hui, vous m’excuserez d’être une faible femme, je l’espère. Il faut dire, que le 22 août n’est pas un jour ordinaire et même les doodles de Google s’y mettent en célébrant la naissance en 1862 de Claude Debussy, un compositeur  que j’adore et qui a inspiré le roman Sépulcre de Kate Mosse qui figure tout en haut dans l’ordre de préférence de ma PAL.

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Guy de Gisborne dans Robin Hood

Mais, aujourd’hui pour l’Armitage’s Army, le 22 août, c’est un peu notre fête internationale. Sur Tumblr, sur Youtube, sur les réseaux sociaux et même sur mon blog, personne ne pourra ignorer que c’est l’anniversaire de Richard Armitage qui fête ses 42 ans. Peut-être qu’on aura droit comme très régulièrement, à une lettre pour remercier ses fangirls d’amour des cadeaux awkward qu’il va recevoir (comme des caleçons à l’effigie de ses personnages principaux en plein milieu du paquet ! Ahem.) et peut-être que certaines donneront un petit quelque chose aux associations caritatives qu’il soutient au lieu d’envoyer ce genre de choses comme il le recommande.

Richard imitant son cheval dans The Hobbit

Il fallait bien que je paye ma dette à cet homme merveilleux, qui m’a beaucoup inspiré depuis que j’ai rencontré Guy de Gisborne qui a réveillé des choses inavouées. Et comme il ne se contente pas d’avoir joué un rôle splendide mais des personnages tous plus passionnants, troublants et torturés les uns que les autres (de John Thornton dans North & South à Lucas North dans Spooks en passant par Thorin, notre Roi sous la Montagne à tous !), je ne pouvais pas faire comme si ce jour était comme les autres.

« The leader of our Compagny…. Thorin Oakenshield »

Déjà, pour rendre hommage à la voix grave et profonde de ce cher natif de Leicester, avec ma future coloc lyonnaise, nous allons chanter une cover de The Misty Mountains pour un petit événement, je l’espère  le début d’une charmante expérience musicale de la Venetian Sisterhood.

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King Richard Armitage

Mais pour moi, pour fêter dignement un 22 août je ne peux pas ne pas parler de Richard III. Pour Richard, j’ai relu en guise de préparation la pièce de Shakespeare Richard III, absolument fabuleuse (même si elle amplifie encore plus la propagande anti-Richard III en en faisant un pseudo monstre  sanguinaire) et j’avais oublié à quel point les malédictions étaient délicieuses grâce à la reine Margaret. Bref, comptez-y, je compte bien vous en reparler.

Il faut dire que le lien qui unie Richard de Gloucester et Richard Armitage est étrange. Richard a hérité de son père une fascination pour ce personnage, pour me la transmettre car il faut savoir qu’étant né le même jour que la défaite de Bosworth où est mort Richard III, l’acteur en a hérite le prénom en en voulant pendant un temps à son cher papa de l’avoir appelé d’après un tel monstre ! Mais, tel le monstre du Docteur Frankenstein, Richard III est plus humain qu’il n’y parait.

Reconstitution faciale de Richard III, d'après le crâne et les ossements du roi retrouvés en 2013.

Reconstitution faciale de Richard III, d’après le crâne et les ossements du roi retrouvés en 2013.

Mais, je ne pouvais pas en rester là. Il fallait que je donne un peu plus de moi-même  et donc, il fallait que ça passe par l’écriture. J’ai écrit cette nuit  un poème, terminé à mon réveil pour justement explorer ce lien spirituel, presque anachronique, qui unie un homme mort, célèbre pour sa supposée vilenie, avec un homme de chair et  d’os, bien vivant, et connu pour son humilité et sa générosité mais qui s’est aussi illustré en jouant un nombre considérables d’âmes tourmentées. Vu que sa fascination pour le mal vient de Richard III et de Macbeth, je m’en suis d’autant plus inspirée pour écrire ce poème sans prétention mais qui, je pense, va me tenir à coeur un bon bout de temps en attendant d’écrire, qui sait, quelque chose de plus ambitieux sur Richard III.

richard

Guy de Gisborne in the shadow

 

[RICHARD’S SHADOWS]

Par A.E.B.

 

For Richard Armitage.

 

Pourquoi Richard ? Pourquoi ce nom ? Pourquoi cet homme ?

Moi, l’ombre d’un mort, portée d’amour infinie, 

Je suis le glas banni de félonie, en somme,

Hantant le monde, temps perdu, silence honni.

 

Je cherche un homme, masqué,  en sang, né pour aimer…

Car Vengeance & Expiation, ses indomptées

Maîtresses, me poursuivent, fiévreuses, furieuses de jouir

Et que l’alter ego perpétue l’art de nuire…

 

Je suis le sans-nom, l’anonyme ermitage

Sans attaches, j’erre masqué d’innombrables personnages, 

Suis-je Richard  ? Suis-je son autre ? Suis-je anachronique ? 

Je défie les Ténèbres, l’Histoire ironique !

 

 

Bosworth a décidé Ton sort, qui est le mien ?

 

Le 22 août de l’an 2013., au coeur de la nuit

 

.Et comme l’Armitage Army est une grande et belle famille, j’aimerais finir en mettant à l’honneur l’énorme talent de Michelle qui a partagé le work in progress étapes par étapes de sa peinture de Richard en Richard III et qui est juste la plus belle chose que j’ai vu de la part d’une fangirl. Well done, love !

Richard Armitage as Richard III by Michelle Jimenez

Happy Birthday, sweetheart !

« Desperate Romantics » (BBC, 2009)

16 Juil
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John-Everett Millais (Samuel Barnett), Dante-Gabriel Rossetti (Aidan Turner) et William Holman Hunt (Rafe Spall)

 

Desperate Romantics, mini-série BBC de 6 épisodes (60′) produite en 2009 avec Aidan Turner, Samuel Barnett, Rafe Spall, Sam Crane, Tom Hollander, Amy Manson, Zoe Tapper et Jennie Jacques.

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Dante Gabriel Rossetti, La Ghirlandata (1871-1874)

La première fois que j’ai eu en main le travail envoûtant des Préraphaélites, et surtout celui de Dante Gabriel Rossetti, a dû coïncider avec ma lecture des romans de Jane Austen grâce aux couvertures 10/18 de toutes leurs éditions qui correspondent chacune à un tableau de Rossetti, notamment Raison & Sentiments avec La Ghirlandata  

Je n’ai jamais très bien saisi le lien entre Jane Austen et les Préraphaélites (et je crois honnêtement qu’il n’y en a pas) mais l’esthétisme de ces tableaux, entre réalisme et imagination, m’a toujours séduit et c’est donc tout naturellement que j’ai relevé le défi de regarder Desperate Romantics, un biopic sur la Pre-Raphaelite Brotherhood.

Dante Gabriel Rossetti (Aidan Turner)

D’emblée, le personnage de Rossetti, joué par Aidan Turner (un certain Kili dans The Hobbit, vous savez ce film où pour la première fois, les nains sont sexy ?), est au centre de Desperate Romantics surement pour son charisme, sa personnalité haute en couleur et joviale. Mais, même si lhistoire de Gabriel est nettement plus exploitée que celles des autres (peut-être parce qu’on sait plus de choses sur sa vie et qu’elle est beaucoup plus intimement liée à son oeuvre), Desperate Romantics est bien une mini-série sur la confrérie préraphaélite presque au complet, peintres et critiques, artistes, Muses et mécènes : les fondateurs « Johnny » Millais, « Maniac » Hunt et Gabriel Rossetti ; Lizzie Siddal, Annie Miller, Effie Ruskin et Jane Burden les quatre modèles « maîtresses » ou encore le grand John Ruskin qui va rendre célèbres et populaires la Pre-Raphaelite Brotherhood.

Lizzie Siddal (Amy Manson)

Après un très bel et très engageant opening credits avec des touches de peinture plus colorées les unes que les autres, on rencontre rapidement la première Muse des Préraphaélites, Lizzie Siddal (Amy Manson) dans une scène pour le moins envoûtante où elle sort de la boutique de chapeaux où elle travaille et où elle dénoue ses magnifiques cheveux roux.

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John-Everett Millais, Ophelia (1852)

Si Lizzie est la muse presque exclusive de Rossetti, Elizabeth Siddal a surtout donné ses traits au tableau  préraphaélite le mieux connu (je l’espère), Ophelia de John-Everett Millais. Je ne connaissais pas l’histoire de sa production et le danger qu’a couru Lizzie pour poser ce magnifique tableau. Imaginez que ce tableau a été peint en plein hiver, dans l’atelier de Millais et que Lizzie a dû poser de longues heures toute habillée dans une baignoire remplie d’eau, seulement réchauffée par des bougies en dessous du tube. Desperate Romantics a forcément légèrement plus dramatisé cette scène mais absorbé par son travail (et par quelques rêveries mettant en scène la splendide Effie Ruskin dans la série), les bougies n’ont pu que s’éteindre sans qu’il s’en aperçoive et sans que Lizzie, en parfait modèle, ne se plaigne de quoi que ce soit. Dans la série, bien sûr, il a fallu rajouter une noyade avortée dans la baignoire mais Lizzie Siddal a vraiment gagné une bonne pneumonie, écourtant brièvement sa carrière de modèle.

DESPERATE ROMANTICS

Annie Miller (Jennie Jacques)

J’ai toujours été fascinée par les chevelures auburns des modèles préraphaélites et j’ai eu mon compte dans cette série de belles rousses non seulement Lizzie mais aussi Annie Miller (Jennie Jacques), une autre modèle, peut-être moins sympathique que Lizzie, mais dont l’histoire rocambolesque, coquine et artistique avec William Hunt a de quoi pimenter cette série ! Anciennement une simple serveuse dans l’auberge que fréquentent les trois peintres, elle va surtout poser pour Hunt qui va même lui enseigner quelques bonnes manières pour devenir sa femme. Mais, vu la demoiselle et l’impulsivité du peintre, rien ne dit que leur engagement va ou non aboutir…. Ce qui est sûr, c’est qu’Annie a de nombreuses cordes à son arc et qu’elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, au point de gifler Hunt devant toute l’Académie  pour l’avoir vexée.

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William Holman Hunt, The Awakening Conscience (1853)

Le tableau le plus représentatif de la relation entre Annie et Hunt est surement l’un des meilleurs de William Holman Hunt, The Awakening conscience sur le thème de la femme déchue, de la maîtresse (voire de la prostituée) qui aspire à une meilleure vie et cette seule aspiration transfigure le visage du personnage féminin qui, comme l’oiseau qui essaye de s’échapper par la fenêtre, regarde intensément le monde au-dehors à travers cette fenêtre qu’on voit se refléter dans un miroir, le miroir de sa propre conscience. Rien n’est idéalisé, tout est cosy et les moindres détails ramènent à la vie moderne la plus banale entre cette maîtresse et son protecteur qui la tient captive chez lui et dans ses bras.

Mais ce que Desperate Romantics nous aide à nous souvenir, c’est que les Préraphaélites n’ont pas seulement voulu révolutionner l’art conventionnel de leur époque mais aussi, grâce à de talents complets, ils ont marqué leur époque toute entière en poésie comme Gabriel Rossetti mais aussi en faveur des femmes non seulement en s’intéressant dans leur tableaux à la place de la femme mais aussi à leur sort dans la société, particulièrement les prostituées, chose qu’on retrouve dans la série avec le dispensaire créé par Charles Dickens et qu’Hunt participe à faire connaitre, quitte à se prendre quelques gifles de plus !

Mais ce qui m’a vraiment touché, c’est le talent de poète de Rossetti que je ne soupçonnais pas et quel honte qu’il ne soit pas assez connu en France, sans aucune bonne traduction digne de ce nom. Grâce à Virginia Woolf, j’avais déjà entendu parler de l’oeuvre poétique de sa soeur, Christina Rossetti, et j’ai pu d’autant plus savourer quelques pièces parmi l’oeuvre très productive de Gabriel, notamment « Sudden Light » parfaitement mis en scène et déclamé dans la série. Et quand on en lit, on a envie de tous les connaitre !

SUDDEN LIGHT

By D.G. Rossetti

 I HAVE been here before, 
              But when or how I cannot tell: 
          I know the grass beyond the door, 
              The sweet keen smell, 
    The sighing sound, the lights around the shore.

          You have been mine before,— 
              How long ago I may not know: 
          But just when at that swallow’s soar 
              Your neck turned so, 
    Some veil did fall,—I knew it all of yore.

          Has this been thus before? 
              And shall not thus time’s eddying flight 
          Still with our lives our love restore 
              In death’s despite, 
    And day and night yield one delight once more?

Effie Ruskin (Zoe Tapper)

Mais, à part le bonheur de ce bouillon de culture en regardant naïvement une bonne série, Desperate Romantics nous plonge parmi les meilleurs du XIXe siècle : John Ruskin (Tom Hollander, déjà apprécié dans Any Human Heart), l’homme de génie qui fait et défait les artistes à la point de sa plume mais aussi l’homme secret qui ne touchera jamais sa splendide femme, Effie (Zoe Tapper) pendant les cinq années de leur mariage, Charles Dickens, le premier des critiques frondeurs contre les Préraphaélites dont la langue acerbe est aussi bien pendue que sa longue barbe mais encore William Morris et « Ned » Burne-Jones, malheureusement légèrement sous-développés dans la série malgré leurs talents respectifs. Quel dommage d’en faire principalement de fangirls aux trousses de Gabriel.

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Fred Walters (Sam Crane)

Et au milieu de tous ces personnages extraordinaires se cache Fred Walters, un membre de la confrérie préraphaélite qui parait presque totalement fictif mais qui semble être un de leurs nombreux associés, tapis dans l’ombre. (Pour mieux connaitre Fred, suivez cette page). Fred joue les narrateurs mais il représente aussi tous ceux qui aspirent à faire partie de cette confrérie, remplie de gens extraordinaires mais aussi de personnes sans prétention qui sont capables de révolutionner leur époque s’ils suivent les mêmes idéaux pour devenir plus que de simples inconnus. Si vous vous reconnaissez en Fred, c’est que vous aussi vous prétendez à faire partie de la PRB (Pre-Raphaelite Brotherhood) avec deux siècles de retard mais rien ne dit que, quelque part, une nouvelle PRB n’est pas en marche, prête à vous accueillir.

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The PRB

Pour mieux se documenter

Après avoir regardé Desperate Romantics, si vous avez comme moi envie de tout connaitre de ces trois là et de toute la PRB, c’est que vous êtes normalement constitué. Comme je ne connais aucune parfaite bibliographie sur la PRB à vous conseiller, la BBC est toujours là quand on a besoin d’elle grâce à ses documentaires de qualité comme celui qui suit, très, très bien fait :

Où se procurer Desperate Romantics ?

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Le DVD de Desperate Romantics est disponible à l’achat pour EUR 12, 15 (avec sous-titres en anglais uniquement)

 

 

« Sonnets portugais » d’Elizabeth Barrett Browning

30 Juin
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Elizabeth Barrett Browning (1806-1861)

 

« Le destin n’a pas épargné l’écrivain que fut Elizabeth Browning. Nul ne la lit, nul n’en parle, nul ne songe à lui rendre justice. »

(Virginia Woolf, article du Common Reader, 1931)

 

Je ne parle pas ici assez de poésie à mon goût, peut-être parce que ce n’est pas un genre actuellement très valorisé et pourtant, j’ai un grand amour pour la poésie. J’ai même publié  « Éclaircie de passage », l’un de mes poèmes sur ce blog l’an dernier, c’est quelque chose que je pratique très régulièrement mais je comprends la réticence de certains pour la poésie même si pour moi, ça a toujours été très naturel de lire et d’écrire des poèmes. 

John Keats (Ben Whishaw) dans Bright Star

Tout naturellement, en tant qu’anglophile, je ne pourrais pas me passer des poètes anglais pour vivre. Shakespeare, John Keats, William Blake, Lord Byron, Wordsworth, Coleridge, les sœurs Brontë ou Oscar Wilde sont d’éternelles sources d’inspirations et de plaisir pour moi. Vous l’aurez peut-être noté, rien que dans ma liste, les poétesses n’ont pas une grande place dans toute anthologie qui se respecte ce qui confirme ce qui disait Virginia Woolf dans Une chambre à soi sur la difficulté que représente l’accession au statut de poète pour une femme sans un minimum de conditions matérielles favorables.

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Emily Brontë

J’ai une tendresse toute particulière pour Emily Brontë et Emily Dickinson (dire qu’il faille traverser l’Atlantique pour trouver une poétesse digne de ce nom) qui, en plus de leur prénom, partage une même aura mystérieuse autour de leur vie et de leur oeuvre. Si vous l’avez l’occasion de vous procurer La dame blanche de Christian Bobin, vous aurez en main ce qui m’a donné envie de découvrir Emily Dickinson grâce à cette très belle biographie plus ou moins romancée.

 

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Robert Browning (1812-1889)

 

Toutefois, c’est d’une poétesse beaucoup moins connue que j’ai envie de vous présenter, qui a eu une vie (à mon sens) très romanesque et que j’ai découverte grâce à Virginia Woolf : Elizabeth Barrett Browning. Virginia Woolf a le chic de sortir de l’anonymat des auteurs inconnues (la soeur de Shakespeare, Christina Rossetti ou Sara Coleridge pour ne citer qu’elles) et de nous donner envie de les lire sur le champ ! Ça a été mon cas avec Elizabeth Barrett Browning, femme du poète Robert Browning et dont les vers de ses Sonnets portugais ont donné furieusement envie  à Rainer Maria Rilke de les traduire en allemand. Vous avez peut-être entendu parler de Flush de Virginia Woolf (l’une de mes prochaines lectures pour le challenge Virginia Woolf) et c’est par ce biais que j’ai été séduite par Elizabeth Browning sans même lire une seule ligne de cette biographie du point de vue du chien de la poétesse ce qui déjà aiguiserait la curiosité de n’importe quel lecteur.

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Elizabeth Barrett (Norma Shearer) dans The Barretts of Wimpole Street

Passage obligé quand on lit de la poésie anglaise, j’ai découvert les Sonnets portugais dans son édition bilingue de la NRF (la même que j’ai pour les poèmes d’Emily Brontë bien que j’ai fait l’acquisition récemment d’une version audio des poèmes de la famille Brontë, un régal, mes amis !) et, comme d’habitude, la traduction est pourrie (pardon pour la traductrice, Lauraine Jungelson) mais permet de sauver les meubles quand le sens d’une strophe nous échappe vraiment.  Par contre, l’appareil critique est comme toujours très instructif surtout pour une poétesse aussi peu populaire. La préface est remplie d’anecdotes, d’extraits de correspondances (quand on sait qu’Elizabeth et Robert ont échangé 574 lettres, rien que ça !) en retraçant l’histoire du couple et la postérité des Sonnets portugais.

D’ailleurs, qu’est-ce qui est à l’origine des Sonnets portugais ? Il faut avant tout comprendre qui était Elizabeth Barrett avant et après avoir écrit ces sonnets. Avant ça, atteinte d’une étrange maladie incurable ,  mélancolique depuis la mort de son frère préféré, recluse dans la maison familiale à Wimpole Street et destinée apparemment à rester vieille fille toute sa vie sous la pression d’un père autoritaire, elle va tout de même publier un recueil de poèmes qui la rend célèbre en Angleterre et outre-atlantique et ce recueil va arriver dans les mains de Richard Browning. Il va lui écrire ces mots :

« J’aime vos vers de tout mon coeur, chère Miss Barrett […]. Dans cet acte de m’adresser à vous, à vous-même, mon sentiment s’élève pleinement. Oui, c’est un fait que j’aime vos vers de tout mon coeur, et aussi, que je vous aime vous. »

Je n’ose imaginer ça en anglais ! Au début, comme toutes les rock-stars qui reçoivent des lettres d’amour, elle va gentillement le refouler et ne lui offrir que son amitié. Ils vont mettre du temps à se rencontrer en personne (à cause des réticences d’Elizabeth visiblement qu’il soit déçu de cette rencontre à cause de sa maladie). Après une première demande par écrit qu’elle refusera tout en reconnaissant que cet homme l’obsède sans y voir encore de l’amour, après de nouvelles rencontres en l’absence de son père (qui, forcément, ne voit pas l’arrivée Robert d’un bon œil dans la vie monacale de sa fille), accepte finalement sa proposition à la seule condition que sa santé s’améliore, ce qui retarde encore un peu plus leur union. Finalement, le mariage est précipité en septembre 1846 dans le plus grand secret et sans le consentement du père. Comme dans tous les romans qui se respectent après un tel événement, ils décident de s’enfuir en Italie, à Florence.

lettres-portugaisesC’est de cette rencontre décisive, autant amoureuse que humaine qu’Elizabeth Barret va écrire ses Sonnets portugais jusqu’à son mariage, à l’insu de Robert Browning et forcément de sa famille. Ces Sonnets from the Portuguese décrivent l’évolution de ses sentiments, comme un relevé presque journalier ce qui en fait une magnifique étude sur l’amour et la place de plus en plus envahissante de la passion dans la vie d’une femme amoureuse qui, enfin, vit pleinement les choses. Je ne crois pas que le titre de ce recueil soit une référence aux célèbres Lettres portugaises de Guilleragues, présentées faussement comme la traduction de lettres d’une religieuse portugaise à un officier français, longtemps attribuée à une vraie religieuse. La coïncidence est tout de même assez troublante car Elizabeth Barrett, vivant comme une femme recluse, dialogue dans ses Sonnets avec l’être aimé où elle suit le même parcours évolutif de doute, de confiance et d’amour sauf qu’il était rapportée dans les Lettres portugaises à la foi et non à l’amour charnel.

du-bellay-regretsSelon moi, un recueil de poésie se lit différemment par rapport à toute oeuvre littéraire. J’aime délibérément sauter des poèmes, lire certains plusieurs fois quand ils me touchent plus que les autres ce qui représente une lecture presque aléatoire. J’aime bien aussi piocher dans un recueil un poème au hasard, ce qui veut dire que je prends chaque poème pour lui-même et pas forcément dans sa relation avec tout le recueil. Parfois, c’est une lecture qui fonctionne, parfois non mais c’est sûr que ce n’est pas très académique et scolaire. De même, si on voit ces poèmes comme un parcours linéaire vers l’amour, ce n’est peut-être pas la lecture la plus judicieuse mais je n’en ai pas moins aimé les vers d’Elizabeth Browning et la sincérité de ses sentiments sans avoir besoin de retracer un parcours figé. Quand j’ai dû lire Les Regrets de Du Bellay en prépa pour le concours, je n’ai pas pu faire ça par exemple ce qui distingue surement une lecture imposée et une lecture pour le plaisir, pour l’amour de la poésie.

En voici, quelques uns :

 

XLIII – How do I love thee? Let me count the ways.

How do I love thee? Let me count the ways.

I love thee to the depth and breadth and height

My soul can reach, when feeling out of sight

For the ends of being and ideal Grace.

 

I love thee to the level of every day’s

Most quiet need, by sun and candlelight.

I love thee freely, as men strive for Right;

I love thee purely, as they turn from Praise.

 

I love thee with the passion put to use

In my old griefs, and with my childhood’s faith.

I love thee with a love I seemed to lose

 

With my lost saints. I love thee with the breath,

Smiles, tears, of all my life; and, if God choose,

I shall but love thee better after death.

 

 

VII – The face of all the world is changed, I think,

 

The face of all the world is changed, I think,

Since first I heard the footsteps of thy soul

Move still, oh, still, beside me, as they stole

Betwixt me and the dreadful outer brink

 

Of obvious death, where I, who thought to sink,

Was caught up into love, and taught the whole

Of life in a new rhythm. The cup of dole

God gave for baptism, I am fain to drink,

 

And praise its sweetness, Sweet, with thee anear.

The names of country, heaven, are changed away

For where thou art or shalt be, there or here;

 

And this… this lute and song… loved yesterday,

(The singing angels know) are only dear

Because thy name moves right in what they say.

 

Et, comme les Sonnets portugais sont suivis d’autres poèmes, voici mon préféré dans tout le recueil, intitulé « Inclusions ». Il a quelque chose à voir avec le mythe de l’androgyne dans le Banquet de Platon, maintenant populairement appelés « les âmes sœurs ». derrière, cette figure, l’amour est l’inclusion parfaite, l’emboîtement et l’harmonie entre deux personnes qui s’oublient elles-mêmes pour ne faire qu’un.

INCLUSIONS

1

O, WILT thou have my hand, Dear, to lie along in thine?

As a little stone in a running stream, it seems to lie and pine.

Now drop the poor pale hand, Dear,… unfit to plight with thine.

2

O, wilt thou have my cheek, Dear, drawn closer to thine own?

My cheek is white, my cheek is worn, by many a tear run down.

Now leave a little space, Dear,… lest it should wet thine own.

3

O, must thou have my soul, Dear, commingled with thy soul? —

Red grows the cheek, and warm the hand,… the part is in the whole!

Nor hands nor cheeks keep separate, when soul is join’d to soul.

 

Où se procurer les Sonnets portugais ?

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Sonnets portugais d’Elizabeth Barrett Browning

Poésie Gallimard – 178 pages

EUR 7, 60

 

 

 

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C’est ma 10e et dernière contribution au mois anglais organisé par Lou et Titine. Retrouvez mon bilan ci-dessous. 

 

 

Bilan du Mois anglais 2013

10 contributions : 2 romans, 1 essai, 1 pièce de théâtre, 1 recueil de nouvelles, 1 recueil de poésie, 1 billet thématique et 3 séries TV.

La Traversée des apparences de Virginia Woolf

Snobs de Julian Fellowes

Une chambre à soi de Virginia Woolf

Look Back in Anger de John Osborne (extrait)

Les Intrus de la Maison Haute de Thomas Hardy

Sonnets portugais d’Elizabeth Barrett Browning

Home Sweet Home : Quatre maisons d’écrivains anglais

Ripper Street (BBC, 2012)

Little Dorrit (BBC, 2008) d’après Charles Dickens

Any Human Heart (2010) d’après William Boyd

 

Merci aux organisatrices et aux autres participant(e)s qui l’ont rendu aussi vivant et particulièrement en lisant et commentant mes dix billets. J’ai eu autant de plaisir à vous lire et à être tentée par autant d’idées de lecture. Vive l’anglophilie, le mois anglais et à l’an prochain pour son come back !

Virginia Woolf Tea

Comme les autres participant(e)s, j’ai répondu à l’invitation d’un jeu photo en mettant en scène mon coup de coeur du mois anglais (« Une chambre à soi » de Virginia Woolf, forcément) avec une tasse, ici celle à l’effigie de la maison Serpentard !

"Éclaircie en hiver" de Francis Ponge in "Pièces"

1 Déc

Claude MONET, La pie (1868-1869), Musée d’Orsay, Paris.
On ne peut pas dire que j’ai été extrêmement présente ici le mois dernier et, pourtant ce n’est pas faute de lire et de penser à « La Bouteille à la Mer » et à vous. A défaut d’avoir le temps pour l’instant d’en faire des billets digne de ce nom, voilà ce que je lis, essaye de lire ou n’arrive pas à lire. Beaucoup de lectures en suspens, en somme à cause des examens et du rendu des mini-mémoires qui approchent…

 

Si vous suivez ma page Facebook, vous savez déjà que j’ai commencé à lire Le Trône de Feraprès avoir découverte la super série Game of Thronesadaptée des romans. J’en suis au second tome Le Donjon rouge et même si je connais déjà l’intrigue et son issue (mwhahahaha !), c’est toujours très agréable à lire.

 

En même temps, j’ai entamé et rapidement abandonné (ce qui ne m’arrive pas souvent!) Sir Nigeld’Arthur Conan Doyle à la base pour mon challenge Cold Winter mais surtout pour lire autre chose que les enquêtes de Sherlock Holmes sous sa plume. J’en ai lu une centaine de pages et je dois dire que je suis très déçue et que je me suis passablement ennuyée. C’est une sorte de roman historique médiéval « à la Walter Scott » sauf qu’on ne rentre pas dedans. Je m’attendais à plus d’humour, plus d’aventures un peu dans le même esprit qu’une série que j’ai adoré cet été Robin des Bois. Je ne désespère pas de continuer et d’avoir une bonne surprise mais ça ne sera pas pour maintenant…

Guy de Gisborne (Richard Armitage) dans Robin des Bois (BBC) juste pour le plaisir.
Sinon, je lis L’abîme une court roman à quatre mains de Dickens et Wilkie Collins que j’ai commencé tout de suite après ma déconvenue avec Conan Doyle et je dois dire qu’on respire ! J’en suis au tout début alors je ne peux pas encore juger de la qualité de l’intrigue mais le style est bon et on entre facilement dans l’histoire d’un ancien orphelin de l’ère victorienne devenu riche et respecté…. du moins pour l’instant !

 

Après ce bilan pas très productif, j’en reviens à l’actualité de mon blog et à son rendez-vous mensuel, « Un mois, un extrait ». Rendez-vous en fin de billet pour en savoir plus sur son but et la marche à suivre pour y participer. 

 

Ce mois-ci, j’aimerais mettre à l’honneur de la poésie et celle de l’un des rares poètes contemporains que j’apprécie : Francis Ponge. Suite à une discussion avec une amie la semaine dernière, j’ai remarqué qu’il ne faisait pas l’unanimité alors c’est d’autant plus une bonne raison d’en parler !

 

Mon choix a été assez facile puisque ce poème est à la fois de circonstance et mon préféré. J’en aime les images et leurs associations mais aussi la trivialité qui se dégage de certaines comme autant de césures, de contrastes à l’instar de son titre « Éclaircie d’hiver ». Ça n’a rien à voir avec ses autres poèmes, surtout ceux du Parti pris des choses, où n’importe quel objet (même une crevette, autant dire du grand n’importe quoi !) peut devenir arbitrairement le sujet de son poème en prose. On sent plus d’unité dans celui-ci, quelque chose de plus fondamental sans pourtant qu’on perde de vue la sphère du quotidien, de l’immédiat, de la spontanéité qui est parfois laissée de coté par la poésie.

 

Je vous laisse apprécier ! (ou pas)

 

Francis PONGE, « Éclaircie en hiver » in Pièces

 

Le bleu renaît du gris, comme la pulpe éjectée d’un raisin noir.

Toute l’atmosphère est comme un œil trop humide, où raisons et envie de pleuvoir ont momentanément disparu. 

Mais l’averse a laissé partout des souvenirs qui servent au beau temps de miroirs.

Il y a quelque chose d’attendrissant dans cette liaison entre deux états d’humeur différente. Quelque chose de désarmant dans cet épanchement terminé.

Chaque flaque est alors comme une aile de papillon placée sous vitre. Mais il suffira d’une roue de passage pour en faire jaillir la boue.

 

            Il faudra EUR 7, 60 pour vous procurer le recueil de Francis Ponge, Pièces pour vous laisser étonner ou tout simplement vous laisser faire.

Rappel : Qu’est-ce qu’« Un mois, un extrait » ?

Lire chaque mois un ou plusieurs extraits d’une oeuvre choisie par moi ou par vous ! Car, la subtilité, c’est que pouvez aussi en être les acteurs en m’envoyant tous les mois (et avant le premier du mois) un extrait de votre choix. Vous serez invitée à écrire votre propre article sur mon blog et ainsi de partager votre histoire et vos ressentis avec moi et toute la blogosphère ! 🙂

La démarche est a suivante : vous pouvez soit me faire parvenir vos idées par courriel (l’adresse est disponible dans la rubrique « L’auteur », voir en haut de page), soit me laisser un commentaire en bas de ce billet pour ensuite poursuivre la discussion dans autres eaux, soit le faire publiquement ou par Message Privé sur la page Facebook de « La Bouteille à la Mer ».

Aucune obligation de posséder un blog ou d’être un(e) grand(e) spécialiste en littérature. C’est surtout le partage qui compte qui que vous soyez et quelques soit vos goûts. Je suis toujours curieuse de découvrir de nouvelles choses, de nouveaux genres et c’est l’occasion ! 

 

« Dans les épisodes précédents », « Un mois, un extrait » a fait découvrir :

#1 : L’Idiot de Fiodor DOSTOÏEVSKI  C’est mon roman de Dostoïevski préféré et ce passage est vraiment central pour comprendre la relation difficile qui unie les deux personnages principaux : le prince Mychkine et Rogojine. 

 

#2 : Le Problème de la souffrance de Clive Staples Lewis. (exceptionnellement, sur ma page FB). On associe souvent C.S Lewis avec Narnia sans connaitre forcément ce qu’il a écrit à coté. Avec ce passage, c’est l’occasion de découvrir son style magnifique, légèrement lyrique parfois, mais accordé au thème qu’il aborde qui n’est ici pas la souffrance mais plutôt la « joie ».

 

#3 : La triste Fin du petit Enfant Huître et autres histoires de Tim Burton; La période d’Halloween et la Toussaint m’avait inspirée dans mon choix en vous présentant ce recueil de poèmes où l’enfance est désarmée par l’humour noir et la cruauté sans pour autant perdre toute pointe de sensibilité… 

Songe d’une nuit d’été

5 Juil
Son fer blessait le temps à chaque aube plus grise,
Le vent heurtait la mort sur le toit de nos chambres,
Le froid ne cessait pas d’environner nos cœurs.
 
Ce fut un bel été, fade, brisant et sombre,
Tu aimas la douceur de la pluie en été
Et tu aimas la mort qui dominait l’été
Du pavillon tremblant de ses ailes de cendre.
 
Cette année-là, tu vins à presque distinguer
Un signe toujours noir devant tes yeux porté
Par les pierres, les vents, les eaux et les feuillages.
 
Ainsi le soc déjà mordait la terre meuble
Et ton orgueil aima cette lumière neuve,
L’ivresse d’avoir peur sur la terre d’été.
 
Souvent dans le silence d’un ravin
J’entends (ou je désire entendre, je ne sais)
Un corps tomber parmi des branches. Longue et lente
Est cette chute aveugle; que nul cri
Ne vient jamais interrompre ou finir.
 
Je pense alors aux processions de la lumière
Dans le pays sans naître ni mourir.

 

Yves BONNEFOY, Hier régnant désert, « Le bel été »

 

L’été, voilà une saison qui a toujours bonne presse. On y pense, on l’attend avec plus ou moins d’impatience au même titre que les vacances qui l’accompagne. « Les grandes vacances », toute une légende!

 

Sauf pour Yves Bonnefoy.

 

J’ai connu Yves Bonnefoy (pas personnellement, cela va sans dire, mais via ce qu’il écrit, ce qui est peut-être mieux) en terminale, en cours de philosophie. Depuis, quand je lis quelque chose de lui ou quand j’ai dû le commenter en khâgne, c’est toujours avec beaucoup d’admiration et peut-être avec beaucoup de parti pris.

 

Yves Bonnefoy doit faire partie de mes auteurs fétiches, « chouchous » et pourtant, je n’ai pas eu l’occasion de tant le lire. C’est un peu le mystère de la littérature, des mots de s’attacher quelques fois à certains textes, à certains vers, à une expression vraiment unique et à partir de cette lecture minimaliste, au détail, d’aimer l’oeuvre, l’auteur concernés dans son ensemble à l’occasion de cette seule rencontre, de ce « coup de coeur ». Pour moi, cela a été à l’occasion de la lecture de L’Arrière-pays d’abord par extrait grâce à mon professeur d’alors et ensuite, « se jetant à l’eau », avec l’oeuvre vraiment en main.

 

Ce thème de l’arrière-pays, je pense qu’il se retrouve dans le poème que j’ai choisi pour lancer ma première bouteille à la mer. Ce poème hanté par la mort malgré l’été, c’est-à-dire par ce qu’il y a de plus réel, de plus concret à vivre se conclue par l’évocation d’un « pays sans naître ni mourir », c’est-à-dire non pas ce monde-ci mais un « arrière-pays », une sorte de pays de Cocagne où « personne n’y marcherait comme sur terre étrangère » (c’est la citation mise en exergue de son oeuvre, empruntée au philosophe Plotin). Ce rêve d’un ailleurs, de l’absolue plénitude est pourtant en tension dans la mesure où cet absolu reste inaccessible, toujours l’objet d’un rendez-vous manqué, d’une rencontre qui ne peut se réaliser dans la mesure même où il ne peut y avoir de coïncidence entre l’arrière-pays et le réel. C’est pourquoi Bonnefoy choisit l’image du carrefour:

 

« J’ai souvent éprouvé un sentiment d’inquiétude à des carrefours. Il me semble dans ces moments qu’en ce lieu ou presque : là, à deux pas sur la voie que je n’ai pas prise et dont déjà je m’éloigne, oui, c’est là que s’ouvrait un pays d’essence plus haute, où j’aurais pu aller vivre et que désormais j’ai perdu. »

Mieux que ça, il est inaccessible et c’est peut-être tant mieux. Ce qui est fascinant, c’est cette tension entre le regard en arrière vers ce pays qui n’est plus ou qui n’a jamais été tout-à-fait, presque de l’ordre de la nostalgie et en même temps le désir qu’inspire la réalité, ce désir inattendu de la mort alors que l’on ne s’attend pas à ce que l’été soit « fade » comme une fleur sur le point de dépérir.

 

Heureusement pour nous, l’été ne fait que commencer et je l’espère sera un bel été en perspective.

 

                                                                      Claude MonetLes meules de foin (Musée d’Orsay)